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L’Aiglon à l’Opéra de Lausanne  - Une reprise remarquée - Compte-rendu

L’Aiglon, pièce d’Edmond Rostand créée par Sarah Bernhardt en 1900, remporta un succès populaire, suscitant une véritable empathie pour le sort du duc de Reichstadt, dépossédé du trône par Louis XVIII, condamné à une forme de réclusion à la Cour d’Autriche sous la férule de Metternich, et emporté par la phtisie en 1832 à l’âge de vingt ans. Sur la requête de l’Opéra de Monte-Carlo, Jacques Ibert et Arthur Honegger entreprirent de composer de concert un drame musical, sur un livret parfois grandiloquent d’Henri Caïn ; leur Aiglon fut présenté sur la scène monégasque en 1937. Relativement oublié (on doit pourtant à Pierre Dervaux un enregistrement dans les années 50), l’ouvrage doit sa renaissance à une production marseillaise de 2004 signée Patrice Caurier et Moshe Leiser. En l’absence des protagonistes, c’est à Renée Auphan qu’a été confiée la reprise à Lausanne d’un spectacle dont elle avait été l’instigatrice sur la scène lyrique phocéenne.

Dans de superbes décors de Christian Fenouillat (costumes non moins réussis d’Agostino Cavalca) adaptés à cette période bouleversée, une subtile direction d’acteur permet à L’Aiglon d’atteindre son plein impact, dans les scènes légères (bel acte II traité à la Watteau), comme dans les moments dramatiques (la mort émouvante du héros). Le plateau vocal, de haut vol, place au premier plan l’Aiglon de Carine Séchaye. Portée par une présence théâtrale et un engagement remarquables, elle surmonte sans ciller les difficultés du rôle.

Le Flambeau de Marc Barrard, fidèle Grognard au grand cœur, crève l’écran et fait honneur à l’art de la déclamation et de la diction. Quant au Metternich de Franco Pomponi, il paraît bien moins naturel et un rien compassé dans son attitude intransigeante à l’égard du duc de Reichstadt, mais son personnage, à son corps défendant, n’attire pas vraiment la sympathie. Belles prestations de Marie Karall en duchesse de Parme, de Benoît Capt en maréchal Marmont et surtout de Carole Meyer en Thérèse de Lorget, lectrice de Marie-Louise.

L’Orchestre de chambre de Lausanne, placé sous la direction claire et nuancée de Jean-Yves Ossonce, participe à cette réussite d’ensemble. En fin connaisseur de la musique française, le chef sait maintenir les équilibres et susciter sans cesse la progression dramatique voulue par Honegger (actes II et IV) tout en rendant sa noble élégance à l’écriture d’Ibert (en particulier dans les valses des actes I et III). La tension, palpable lors de l’affrontement entre l’Aiglon et Metternich, trouve son paroxysme lors du tableau visionnaire et cinématographique de la bataille de Wagram, impressionnant de puissance.

Une reprise très remarquée, dont on pourra encore profiter en ce mois de mai, au Grand Théâtre de Tours, avec les mêmes interprètes.

Michel Le Naour

Ibert/Honegger : L’Aiglon - Lausanne, Opéra, 28 avril 2013. Reprise au Grand Théâtre de Tours les 17, 19 et 21 mai 2013 / www.operadetours.fr

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Photo : DR
 

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