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« La voix humaine mérite qu’on lui donne tout nos moyens d’expression » - 3 Questions à Olivier Desbordes, directeur artistique du Festival de Saint-Céré et d’Opéra Eclaté

De La Bohème de Puccini à un programme Mozart/Eisler en passant par des mélodrames romantiques avec Michel Fau, l’édition 2010 du Festival de Saint-Céré fête en beauté le 30e anniversaire d’une manifestation pas comme les autres. « Eclectisme » ? Passion pour la voix humaine dans tous ses modes d’expression plutôt, comme l’explique Olivier Desbordes, directeur artistique.

Quel bilan tirez-vous des trois décennies écoulées par rapport à vos objectifs initiaux ?

Olivier DESBORDES : Je n’aime pas les bilans, je n’aime pas le passé, je déteste ça… Ce qui est bien c’est que nous sommes parvenus à installer un festival d’opéra en plein campagne, ce qui était vraiment improbable. Nous avons 13 à 14000 spectateurs par an, en plein champ en quelque sorte, pour de l’opéra et de la musique classique. Nous avons mis le pied à l’étrier à plein de chanteurs. Cinq ans après la naissance du festival, la création d’Opéra Eclaté en 1985 a permis de trouver la continuité et la logique de l’entreprise. Depuis vingt-cinq ans nous partons sur les routes de France en tournée et l’ensemble forme un tout cohérent : production, fournir de l’emploi aux artistes, aller à la découverte des publics. Evidemment, il y a eu là-dedans des choses très réussies, d’autres moins.

Venons-en au présent, que vous préférez. L’édition du 30e anniversaire annonce-t-elle un tournant pour Saint-Céré/Opéra Eclaté ?

O.D. : L’intérêt d’avoir trente ans est que l’on a envie de changer, d’évoluer, d’inventer à nouveau. J’ai exploré beaucoup la voie de l’opéra, puis un peu celle de l’opérette – pas par amour de l’opérette mais par amour de certains sujets et, surtout, parce que l’opérette peut conquérir des publics différents. Nous avons fait aussi quelques expériences de théâtre musical ou d’opéra contemporain (Le brave soldat Chvéïk, Le condamné à mort). Je viens du théâtre initialement ; la voix a un spectre d’expressions : la voix parlée, le théâtre musical, le théâtre avec de la musique, le chant tout en jouant sont importants. En gardant un opéra par an je voudrais diversifier les modes d’expression que nous produisons, puisque nous sommes une structure de production, et donc aller vers du théâtre et du théâtre musical.

Quels en sont les manifestations dans l’édition qui s’ouvre le 20 juillet ?

O.D. : Il s’agit de petits signes. J’ai souhaité cette année une programmation plutôt grand public et consensuelle car il s’agit d’une sorte de fête. Le spectacle « La Voix d’Alma Mahler » est un signe sur des formes différentes d’expression de la voix. Les « Mélodrames » que fait Michel Fau, avec qui j’ai travaillé régulièrement, montre l’envie de s’orienter vers le répertoire rarement abordé et pourtant très vaste du mélodrame. Ce ne sont que de petites pistes ; je reconnais que le programme 2010 est assez bizarre : on confronte La Belle de Cadix et La Bohème ; il faut avouer que c’est les antipodes, tant au niveau du sujet que de la richesse musicale. Mais c’est aussi notre image que d’être un peu « burlesque ».
J’ai des projets de théâtre musical (Lost in the Stars de K.Weill que je monterai dans deux ans). Je vais travailler avec Michel Fau, avec des gens de théâtre, pour que la famille d’artistes dans tout son spectre de couleurs puissent attaquer à de l’opéra au théâtre, que la voix circule. Stanislavski a noté un jour dans ses mémoires : je ne peux pas attaquer La Cerisaie de Tchékhov aujourd’hui, mes comédiens chantent au Kirov… Ça fait rêver, non ?! En France on fait tout par secteur, regardez la presse : quand on fait un truc mélangé ils ne savent plus qui nous envoyer ! Ce que j’aime c’est mélanger les genres, pas être éclectique ; être simplement la voix humaine. Un corps humain qui s’exprime est une telle merveille – c’est ce que j’ai appris dans l’opéra. La voix humaine mérite qu’on lui donne tous nos moyens d’expression, en plus elle véhicule le sens…

Propos recueillis par Alain Cochard, le 7 juillet 2010

30e Festival de Saint-Céré
Du 20 juillet au 14 août 2010
Tél. : 05 65 38 28 08
www.opera-eclate.com

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Photo : DR
 

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