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La Veuve joyeuse à l’Opéra de Nice – Lehár servi comme Offenbach – Compte rendu
Une opérette en décembre, voilà qui n’a rien de bien étonnant dans une maison d’opéra. La Veuve joyeuse avec une grande voix dans le rôle-titre, cela s’est déjà vu, et l’on a jadis vu à Paris Felicity Lott ou Karita Mattila se glisser dans le personnage. Mais à l’heure où La Vie parisienne est présentée par divers théâtres de France dans une version reconstituant les intentions originales d’Offenbach, l’Opéra de Nice a choisi de proposer le chef-d’œuvre de Lehár d’une manière qui va un peu à l’encontre des habitudes. Non pas en programmant la version originale, ce qui ne s’est guère fait en dehors de Paris, mais en renonçant à la traditionnelle adaptation française de 1909 au profit d’une nouvelle traduction, signée du metteur en scène lui-même.
Certes, les mots d’esprit du tandem Flers et Caillavet ne seraient plus forcément compris du public, et le texte chanté est maintenant plus proche des vers allemands de Victor Léon et Leo Stein, mais il n’est pas certain que l’on gagne vraiment au change sur le plan poétique ; en revanche, c’est l’occasion de revenir plus près de la partition, la répartition des lignes de chant ayant été parfois bouleversée par les adaptateurs français, notamment dans le fameux duo « Heure exquise ».
© Opéra de Nice
Situant l’action lors de la crise économique de 2008, Benoît Bénichou modernise aussi les pratiques, plus conformes aux mœurs d’aujourd’hui, et ce n’est plus en valsant, mais dans un corps-à-corps nettement plus rapproché, que Danilo tente de séduire celle qui reprend ici son identité germanique, Hanna Glawari et non plus Missia Palmieri (on est moins convaincu par le rétablissement de « Valencienne » pour l’épouse de l’ambassadeur). Le Pontevedro – là aussi, le pays imaginaire retrouve son nom d’origine – connaît la ruine, et son ambassade est littéralement en ruines : les trois actes se déroulent dans cet unique décor à moitié effondré, qui n’est pas sans évoquer certains Offenbach montés par Laurent Pelly, l’apparition des grisettes chez Maxim’s devenant une sorte de cauchemar de Danilo (le harnais qu’il arbore au premier acte sous sa veste de smoking laissait entendre qu’il pouvait être adepte des pratiques SM).
© Opéra de Nice
Pour l’héroïne, l’Opéra de Nice n’a pas hésité à opter pour une voix ample : après y avoir été Butterfly, Camille Schnoor (photo) tiendra prochainement à Limoges le rôle-titre d’Ariane à Naxos. Assumant parfaitement les tenues de vamp qui lui sont destinées, avec un hommage à Marlene Dietrich au deuxième acte, la soprano offre notamment une bien belle chanson de Vilya (mais pourquoi la lui faire interpréter en pontévédrin ?). Le décor très ouvert s’avère un peu moins favorable à Frédéric Cornille, Danilo virevoltant mais dont la voix a parfois un peu de mal à se projeter par-dessus l’orchestre. Même problème pour Amélie Robins, dont le timbre charmant se perd lorsqu’elle doit chanter depuis une loge avant-scène.
Depuis sa participation aux spectacles Hervé montés par le Palazzetto Bru Zane, Samy Camps semble avoir pris un virage qui a transformé son émission : désormais très couverte, la voix adopte des couleurs presque barytonales. Aux côtés de Philippe Ermellier, ambassadeur plein de bonhomie, Gilles San Juan et Richard Rittelman campent des rivaux percutants. Dans la fosse, la direction de Bruno Membrey paraît parfois bien sage, en comparaison de la folie organisée sur scène, mais les membres de l’Orchestre Philharmonique de Nice semblent prendre un vif plaisir à interpréter la musique de Lehár, tout comme le Chœur de l’Opéra.
Laurent Bury
Franz Lehár : La Veuve joyeuse – Opéra de Nice, dimanche 5 décembre 2021 // www.opera-nice.org/fr
Photo © Opéra de Nice
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