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La Sonnambula à Barcelone – Annick Massis sur les cimes belcantistes - Compte-rendu

Production déjà vue à Vienne et à Londres, La Sonnambula de Marco Arturo Marellli devait être défendue en alternance par Diana Damrau et Patrizia Ciofi sur la scène du Liceu. La défection de la première a cependant changé la donne et conduit l’institution lyrique catalane à faire appel à Annick Massis en seconde distribution, un mois après le succès de sa Fée dans la Cendrillon de Massenet. Très en voix, la soprano française a démontré une nouvelle fois et à un âge plus que respectable quelle grande artiste elle est.
 
Modeste femme de chambre, fille de l'intendante d'un sanatorium chic, dont on prépare activement les noces avec un fils de famille, sa gracieuse Amina s'intègre parfaitement à la transposition du metteur en scène. Un décor unique tout droit sorti de l'univers clos dépeint par Thomas Mann dans La montagne magique - une vaste salle de réception dont les larges baies donnent sur un massif alpin - va devenir le théâtre d'un drame intime et inattendu, celui d'une jeune promise accusée à tort d'adultère alors qu'elle souffre, sans la savoir, de somnambulisme. Il faudra que celle-ci, répudiée par son futur mari, apparaisse dans son sommeil en risquant d'être emportée par une avalanche, pour qu’elle soit enfin pardonnée.
 
Fraîche de timbre, virtuose sans faille jusque dans la moindre vocalise, la soprano dont l’instrument offre une rondeur plus riche encore qu'il y a dix ans, dispose d'un aigu glorieux et d'une expressivité à faire pâlir certaines consœurs pourtant célébrées de part le monde... Après un air d'entrée où l'élégance rivalise avec l'agilité, un admirable duo avec Elvino et un final du premier acte conclu triomphalement, Annick Massis réserve à l'assistance une scène de somnambulisme d'une transparence extrême, où son legato et son contrôle vocal impressionnent, avant d'entamer la cabalette libératrice « Ah non giunge » devant le rideau baissé et vêtue d'une robe écarlate, dans l'allégresse générale.
 
Pour ses débuts au Liceu Celso Albelo, à qui l'on peut reprocher d'avoir trop écouté le tardif Alfredo Kraus, montre encore trop d'hésitations dans le rôle d'Elvino dont il ralentit les cadences et émousse les traits d'agilité  - avec l'accord de Daniel Oren qui aurait du corriger ces défauts. Le ténor ne laisse pourtant pas indifférent, sans doute parce qu'il prend son personnage à cœur et l'affronte avec courage, même si l'écriture bellinienne dépasse ses moyens actuels.
 
On retrouve avec plaisir Michele Pertusi, impeccable en Rodolfo, se réjouit de voir distribuer Sabina Puertolas soprano à la technique aguerrie (Lisa), le baryton Alex Sanmartí, bel Alessio, et Gemma Coma-Alabert, délicieuse mère d'Amina, complétés par l'excellent Choeur du Théâtre. La direction trop lente de Daniel Oren ne manque pas d'intérêt, mais à force de préserver ses chanteurs le chef en oublie la dynamique ce qui, à force, dénature et déséquilibre le discours ainsi que le climat général de l'œuvre.
 
François Lesueur
 
Bellini : La Sonnambula – Barcelone, Gran Teatre del Liceu, 1er février, prochaines représentations les 4, 5, 8, 9, 11, 14 et 17 février 2014  (avec Annick Massis les 4 et 9 ; Patrizia Ciofi les 5, 8, 11, 14 et 17)
Rens. : www.liceubarcelona.cat

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