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La Sirène d’Auber au Théâtre impérial de Compiègne – Contre-ré dans les Abruzzes – Compte-rendu

A l’origine de la renaissance du Théâtre Impérial de Compiègne, ouvert – enfin – au public en 1989, Pierre Jourdan (disparu en 2007) avait fait de cette salle un haut lieu de l’opéra français. Celui-ci demeure l’un des axes fondamentaux de sa politique artistique, comme vient de l’illustrer la résurrection de l’opéra-comique en trois actes La Sirène de Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871), écrit en collaboration avec Scribe, que le prolifique auteur fit entendre à l’Opéra-Comique le 26 mars 1844.

La Sirène ? Rien de bien marin – si ce n’est un uniforme de capitaine – dans cet ouvrage – , dont l’action se situe dans les Abruzzes. Un intendant des théâtres de Naples en quête d’une prima donna, un contrebandier poursuivi par le Duc de Popoli et par Scipion, capitaine de marine à la recherche de sa bien-aimée, Zerlina (la Sirène), qu’il finira par épouser : sur une argument complaisamment entortillé par le librettiste, le musicien a imaginé un charmant ouvrage que l’on a eu plaisir à découvrir.

© Vincent Pontet

Si le travail des Frivolités Parisiennes, en résidence au Théâtre Impérial, mérite bien des éloges, comme toujours avec ces connaisseurs – et amoureux sincères – du répertoire français, on reste plus réservé sur les options de Justine Heynemann (mise en scène) et de Thibaut Fack, qui signe une tristounette scénographie sur deux niveaux, d’une lassante verticalité. Conjuguée à la frontalité, au statisme, au manque de rebond, de jeu de la régie (monter ou descendre une échelle, faire tourner des panneaux... tournants ne saurait en tenir lieu), elle n’aide guère l’ouvrage, excessivement bavard en son commencement, à prendre son élan (surtout sous un éclairage aussi sinistre) et à trouver la « créativité et la folie » que J. Heynemann promettait dans sa note d’intention.

© Vincent Pontet

Heureusement les Frivolités Parisiennes sont à l’œuvre avec en fosse leur orchestre au grand complet (37 musiciens), sous la direction de David Reiland. Celui que la France a appris à connaître à l’Opéra de Saint-Etienne, et qui vient de prendre les rênes de l’Orchestre national de Lorraine, redonne vie à la partition de la Sirène avec un soin extrême, d’autant que l’acoustique permet vraiment de juger de la finesse et du raffinement d’une direction très attentive au plateau.
Jeanne Crousaud, artiste en résidence au Théâtre Impérial, possède les moyens vocaux de Zerlina et se glisse dans le rôle campé par Louise Lavoy à la création avec un charme, une facilité dans les aigus et une pureté remarquables. Dommage que J. Heynemann ne tire guère parti de son potentiel scénique ... Voix d’une richesse merveilleuse, celle de Dorothée Lorthiois fait regretter que l’ouvrage ne donne pas plus de place au personnage de Mathéa. Côté messieurs, Xavier Flabat est un Marco Tempesta et Scopetto de belle allure (avec à ses côtés Jacques Calatayud pour un excellent Pecchione), tandis que Jean-Noël Teyssier a plus de mal à donner de la consistance à son Scipion lors de cette soirée de première. Le couard intendant Nicolaio Bolbaya trouve en Benjamin Mayenobe un interprète savoureux ; Jean-Ferdinand Setti apporte au Duc de Popoli la présence physique et l’autorité vocale idoines. Enfin, soldats et contrebandiers bénéficient de la présence de membres du chœur Les Métaboles, impeccablement préparés par Léo Warynski.

Alain Cochard

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Auber : Le Sirène – Compiègne, 26 janvier ; reprises le 11 mars à Albi (Scène nationale) et le 25 mars à Saint-Dizier (Théâtre) / www.lesfrivolitesparisiennes.com

Photo © Vincent Pontet

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