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La Saison inaugurale 2024 de La Cité Bleue Genève dévoilée – Le rêve de Leonardo
Leonardo García Alarcón est de ces artistes qui n’oublient pas d’où ils viennent, ni ceux qui ont contribué à leur réussite. Dans son propos liminaire à la présentation de la saison inaugurale de la Cité Bleue (1), le 12 novembre à Genève, c’est d’abord à cette ville où il est arrivé en 1997, à 19 ans, pour étudier le clavecin au Conservatoire avec Christiane Jacottet, qu’il rend hommage. Un accueil à bras ouverts dont il se souvient avec émotion. C’est de là qu’est partie la formidable aventure musicale à laquelle nous assistons depuis.
Naissance de la Cappella Mediterranea en 2005, rôle clef du Festival d’Ambronay, etc. : l’exceptionnel parcours de l’artiste argentin n’a plus besoin d’être conté tant il est connu et fait partie de l’univers de tout mélomane un tant soit peu curieux de répertoire baroque. Alarcón est étroitement associé à celui-ci, son versant italien en particulier, mais on aurait toutefois bien tort de l’y réduire tant sa curiosité et son insatiable appétit de musique et de beauté le dépassent.
Un théâtre des musiques
Dans cette Genève qui lui est si chère, il trouve aujourd’hui les moyens de le démontrer en réalisant son rêve : disposer d’un théâtre à lui. Il se concrétise avec l’ouverture, en mars prochain, de La Cité Bleue Genève, qu’Alarcón définit comme un « théâtre des musiques » et qui voit le jour dans les murs de la Salle Patiño, à la Cité universitaire. Autant dire qu’il s’inscrit pleinement dans la vie culturelle genevoise et la continuité de l’histoire d’un lieu (inauguré en 1968) dont l’ouverture à l’art contemporain sous toutes ses formes a fait la réputation, à Genève et souvent plus encore à l’étranger (en musique, l’Association Contrechamps y fut très active à compter de 1977).
La salle avait besoin d’un sérieux coup de neuf : en 2017, la Cité universitaire a créé la Fondation Cité Bleue, lui donnant pour mission de trouver les fonds nécessaires à sa rénovation. En 2020 les planètes se sont alignées : Alarcón a été désigné directeur général et artistique de la Cité Bleue Genève ; son rêve est devenu réalité et se matérialise donc avec l’ouverture d’un théâtre à taille humaine (301 places) doté du système Constellation, qui offrira une acoustique modulable à volonté, susceptible de s’adapter aux effectifs et aux spectacles les plus variés – variété à laquelle une fosse mobile et motorisée contribuera beaucoup aussi.
Valerio Contaldo © LeonardoDoPietroMaria
Un choix symbolique
Le 9 mars, L’Orfeo de Monteverdi, en version de concert, avec les voix de Valerio Contaldo et Mariana Flores entre autres, et Leonardo García Alarcón à la tête de sa Cappella Mediterranea (désormais en résidence à la Cité Bleue) et du Chœur de chambre de Namur, inaugurera un lieu qui ne se cantonnera aucunement à la musique baroque. C’est en tant qu’œuvre d’une incroyable modernité, pleinement ouverte sur le futur – elle constitue rien moins que le point de départ d’une genre musical qui n’a cessé de se renouveler depuis plus de quatre siècles ... –, qu’il faut interpréter la présence du chef-d’œuvre monteverdien à l’orée de la saison inaugurale de la Cité Bleue Genève.
« Théâtre des musiques » ? La formule va éloquemment s’illustrer de mars à juin 2024, avec d’abord une « Fête des claviers » (15 et 16 mars), organisée en coopération avec la Haute Ecole de Musique de Genève/Neuchâtel, qui offrira un panorama exhaustif du sujet, de l’organetto médiéval jusqu’aux claviers électroniques, et fera place à l’improvisation grâce à la présence d’un maître du genre, trop méconnu en France : Rudolf Lutz.
Une collaboration sur le long terme avec Omar Porras
Le démarrage d’une collaboration sur le long terme entre La Cité Bleue et Omar Porras n’est pas la moindre fierté d’Alarcón. Elle s’illustre du 21 au 24 mars avec Ma Colombine, spectacle autobiographique, entre souvenirs et rêves, dont l’artiste colombien sera à la fois l’acteur et le metteur en scène. Notez qu’Emmanuel Nappey et Cédric Pescia prendront part au projet pour le volet musical, Kaori Ito intervenant sur la partie chorégraphique.
Danse et musique promettent de former une belle alliance aussi dans Printemps (27 mars), un spectacle réunissant les Percussions Claviers de Lyon et la Compagnie La Vouivre inspiré par la pandémie du début de la décennie certes, mais qui se veut une ode à la vie.
La nuit bleue
Après la Fête des claviers, une autre moment réjouissant attend les mélomanes noctambules du 27 avril au soir au 28 au matin avec une « Nuit bleue » autour de Nelson Goerner, sur le piano que celui-ci a été chargé de choisir pour la Cité Bleue. Un compatriote admiré qu’Alarcón a tenu à inviter pour un voyage musical plein de surprises, qui verra les interventions de Tedi Papavrami, Léonard Frey-Maibach, Alexei Ogrintchouk, du Quatuor Modigliani, entre autres ... Avec du café corsé au bar du théâtre, c’est promis !
Leonardo García Alarcón compositeur
La présence du metteur en scène Jean-Yves Ruf au côté de Leonardo García Alarcón à la Cité Bleue n’est pas pour surprendre quand on sait les affinités et les réussites (dont l’Elena de Cavalli en 2013 à Aix) qui les unissent. C’est autour de Tancrède et Clorinde et de la poésie du Tasse que les deux artistes vont se réunir pour Amour à mort (11-15 mai), un spectacle de théâtre musical en création qui fera entendre des pages de Monteverdi, Flecha, D’India, White et de nouvelles compositions de ... Leonardo García Alarcón !
Lea Desandre, Thomas Dunford et l’Orchestre Jupiter sont aussi au rendez-vous de la Cité Bleue. Et nullement pour du baroque comme on pourrait l’imaginer ! Avec Chasing Rainbow (24-26 mai), un spectacle à la gloire de Broadway et du musical attend en effet les spectateurs. Lea Desandre qui, on ne l’oublie pas, aura été Idamante dans l’Idoménée de Mozart qu’Alarcón dirige au Grand Théâtre de Genève (du 21 février au 2 mars), dans la mise en scène/chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui.
Ansermet et Buenos Aires
Evoquer Ernest Ansermet, chef permanent de l’Orchestre de la Suisse Romande de 1918 à 1967, en regardant vers Buenos Aires, c’est ce que propose « Ernest & Victoria » (3-7 juin). Quoi de plus naturel pour qui se souvient de l’attachement puissant du chef helvète à cette ville (où il se rendit pour la première fois en 1924) et de ses liens amicaux avec Victoria Ocampo, autrice et personnalité de la vie littéraire argentine avec laquelle il entretint une correspondance durant plus de quatre décennies. Un riche matériau sur lequel s’appuiera ce moment de théâtre musical mis en scène par Marcial di Fonzo Bo, avec Annie Dutoit-Argerich dans le rôle de Victoria Ocampo, et des musiques de Kagel, Honegger, Stravinsky, Debussy et Ravel sous la direction d’Ana Maria Patiño-Osorio (avec un ensemble instrumental issu de l’OSR).
En jonglant
Et pourquoi ne pas conclure la saison en jonglant ? C’est ce à quoi se livreront le Collectif Petit Travers et le Quatuor Debussy avec Nos matins intérieurs (11-13 juin), spectacle de musique et jonglage qui interroge de manière pour le moins originale la notion d’individualité au sein du groupe. Une conclusion tout à l’image du lieu d’expérimentation qu’entend être La Cité Bleue Genève ; « un lieu de ressourcement pour les artistes et les spectateurs », souligne Leonardo García Alarcón. Une nouvelle aventure commence ...
Alain Cochard
Mise en vente des billets individuels et des carnets de 3 et 5 billets pour la Saison inaugurale 2024 à partir du 11 décembre 2023.
Photo © François de Maleissye – Cappella Mediterranea
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