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La Roque d’Anthéron - Compte-rendu - La Roque des jeunes révélations

La journée du 9 août avait bien commencé avec, à 16 heures, le récital du jeune Tristan Pfaff dans le cadre intimiste du Théâtre Forbin. Alors que l’opus 118 de Brahms laissait apercevoir une interprétation mûre et réfléchie, la rare version pour piano de la Suite de Danses de Bartók montrait un interprète doté d’une impressionnante palette sonore. Le récital s’achevait dans l’étourdissement digitale de pièces de haute virtuosité telle que la Danse macabre de Saint-Saëns revue par Liszt et Horowitz (imaginez un peu !). Loin de toute masturbation intellectuelle, Tristan Pfaff s’en donnait à cœur joie avec une fougue qui n’était pas sans rappeler celle d’Horowitz lui-même.

Sur la scène du Parc de Florans, la « Nuit du piano » consacrée aux jeunes révélations réservait également d’excellentes surprises. Jonas Vitaud inaugurait la soirée avec deux œuvres trop grandes pour lui : les Variations sur un thème de Haendel de Brahms et les Tableaux d’une exposition de Moussorgski. Encore peu aguerri à la scène, il ne parvint pas à se libérer complètement. Ainsi, malgré des qualités indéniables, le discours manquait d’inspiration et revêtait trop souvent un caractère style « élève de conservatoire ».

Son successeur au piano, Bertrand Chamayou, entrait en scène avec la Sonate en fa dièse mineur de Hummel – œuvre méconnue programmée à l’heureuse initiative de René Martin, le directeur artistique du festival. En ferme possession du clavier, le jeune pianiste de 24 ans fit grande impression dans cette page d’écriture hybride entre Mozart et Beethoven. Une technique qui n’a peur de rien, une profonde détermination et une vision très personnelle donnait une vigueur très appréciable au récital. La suite ne décevait pas, notamment les transcriptions d’opéras de Wagner et Verdi par Liszt, qui trouvaient sous les doigts de Bertrand Chamayou leur propre existence. Voilà un jeune interprète qui sait tenir son public en haleine !

Enfin, sur les coups de 23 heures, apparaissait Jean-Frédéric Neuburger (photo ci-dessus), prodige âgé de 18 ans à peine. Le seul à jouer sur un Bösendorfer et à imposer d’entrée une autorité et une force de caractère sidérantes pour un si jeune interprète. Il fait déjà partie des très grands et il n’y a rien d’autre à faire que de reconnaître son génie. Après une sonate de Clementi sobre et affirmée, Jean-Frédéric Neuburger livrait un Liszt anthologique, Après une lecture de Dante, à coup de griffes d’aigle et de pattes de velours. Il poursuivait avec la première Goyescas de Granados fiévreuse, sanguine et très virile : Los requiebros. Toute en agilité féline, le concert prenait fin avec Chopin (la Tarentelle, un Nocturne posthume et l’Andante spianato et grande Polonaise), point d’orgue à une soirée magnifique dans le Parc de Florans.

Nicolas Nativel

Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron, 9 août 2005.

Photo: DR
 

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