Journal

​La Nuit transfigurée par l’Ensemble Des Equilibres à la Ferme du Buisson – À trop vouloir montrer – Compte-rendu

 

Il y a de la Nuit transfigurée dans l’air ! Tandis que, côté disque, Mathieu Herzog et Appassionato nous offrent leur belle interprétation de l’ouvrage de Schoenberg au terme d’un cohérent programme (Naïve) où l’on découvre par ailleurs les Métamorphoses de Strauss et le rare et si prégnant Tramonto de Respighi  – confié à la voix sensuelle d’Adèle Charvet  –, tandis que Béatrice Beirut livre une paraphrase de son cru sur Verklärte Nacht, accompagnée de quelques transcriptions de Mahler (La Dolce Volta), l’Ensembles Des Equilibres a pour sa part présenté il y a peu un spectacle autour de la Nuit transfigurée. Défini comme « un voyage immersif et musical », cette « variation pluridisciplinaire » autour de la partition du compositeur viennois est mise en scène par Alain Fromager ; elle fait appel à la musique, évidemment, mais aussi à la vidéo (Baptiste Klein), la peinture (David Thelim), la danse.
 
Illustrer, suggérer visuellement le contenu du poème de Richard Dehmel ; un « programme » que la musique quintessencie tellement bien ? Entreprise hautement risquée qui, en l’occurrence, nous laisse plus que réservé. Certes, sur le plan musical, les archets de l’Ensemble Des Equilibres (Agnès Pyka, Jacques Gandard, Cécile Grassi, Alphonse Dervieux, Caroline Boïta, Guillaume Martigné) méritent d’être salués pour leur lecture sobre et intense du Schoenberg, tout comme d'extraits d’ouvrages de Zemlinsky (1er mvt du Quatuor n° 1, 1er mvt du Quintette à cordes, 3e mvt du Quatuor n° 4) et du diptyque Espaces saturés / Le pays d’avant naître de Graciane Finzi, ouvrage de 2020 conçu pour encadrer le spectacle et d’un caractère parfaitement accordé à son voisinage tout viennois.
 
© Ensemble Des Equilibres/La Ferme du Buisson
 
De la musique avant le Schoenberg ? Oui car l’ « immersion » suppose qu’on nous conte aussi la faute de la femme que l’homme absoudra « dans la nuit vaste et claire ». Le premier volet du Finzi et les trois mouvements de Zemlinsky tiennent en quelque sorte lieu de prélude explicatif au cours duquel, sous une avalanche de projections (de dessins, peintures etc.) assez assommante mais point toujours lisible, nous sera finalement suggéré par une figurante-danseuse (Prunelle Bry) le péché (pour reprendre le terme du poème) de la femme – qui semble avoir laissé son hymen dans l’affaire.
 
Enchaînement avec La Nuit transfigurée et passage à la danse  – dans un environnement visuel plus sobre, heureusement – avec Tristan Benon (Lui) et l’artiste précitée (Elle). Car, las !, ce que Schoenberg a si bien exprimé, sublimé par les sons, nous est ici montré avec force sauts de cabri et roulades en tout genres. Je ne t’en veux point ; vautrons-nous dans l’herbe fraîche !  Ces gestes pourraient attendrir si l’on avait affaire à deux enfants ou jeunes adolescents sur le Printemps de Vivaldi ou autre partition pêchue et lumineuse, mais, s’agissant d’adultes, dans le contexte dont il est ici question, on frise souvent le ridicule.
Conclusion sur le beau Pays avant de naître de Graciane Finzi, que vient hélas gâcher une vidéo aux vilaines couleurs nous montrant des mains gantée de latex pataugeant prétentieusement du bout des doigts dans de la peinture. A trop vouloir montrer ...
 
Alain Cochard

 

Marne-la-Vallée, Scène Nationale / La Ferme du Buisson (Halle), 18 janvier 2022
 
Photo © Ensemble Des Equilibres/La Ferme du Buisson
Partager par emailImprimer

Derniers articles