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La fille du régiment à l’Opéra Bastille - Une piquante relecture - Compte-rendu

Le 21ème régiment n'avait pas encore été autorisé à bivouaquer à la Bastille et l'on désespérait d'y voir un jour débarquer Marie la vivandière et ses soldats : c'est chose faite depuis le 15 octobre. Réalisée avec le plus grand soin par Laurent Pelly et ses collaborateurs habituels, cette production acclamée partout avec le même enthousiasme, allie adroitement les principes de la relecture piquante, aux vertus du spectacle grand public.

A l'image de Platée, de L'Elisir d'amore, de La Belle Hélène ou de La grande Duchesse de Gérolstein, le travail de troupe se ressent à chaque instant, la cohésion d'ensemble fondée sur le rythme, les dialogues et la pertinence des caractères permettant au spectateur de goûter au charme de cette comédie cocardière où rire, tendresse, mais aussi fraîcheur et naïveté trouvent naturellement leur place.

Le couple Dessay/Florez fonctionne à merveille : elle, impayable garçon manqué, lui adorable benêt, multiplient les gags et les situations cocasses dans un décor d'opérette où les images d'Epinal sont pleinement assumées. Sur le plan vocal, la soprano française suscite d'abord quelques inquiétudes : voix plate, timbre pincé, extension limitée dans l'aigu, l’appauvrissement de l'instrument n'est compensé que par un jeu alerte et bien rôdé. Très aidée par Marco Armiliato - bien moins inspiré qu'Yves Abel au Liceu(1) - qui retient l'orchestre et joue en sourdine à plusieurs reprises, Dessay ornemente peu, s'aventure moins brillamment dans les ensembles pour se montrer finalement plus attentive dans ses deux airs, « Il faut partir » d'abord, joliment phrasé et interprété avec goût, puis « Par le rang et par l'opulence » délicatement exécuté, même si Patrizia Ciofi à Barcelone, lui reste supérieure en grâce et en maîtrise des règles belcantistes.

Juan Diego Florez, Tonio à Londres, Vienne, New York, Barcelone et San Francisco se glisse avec un plaisir évident dans les costumes du petit tyrolien, qu'il chante agréablement et dessine avec simplicité. Conduite avec souplesse, la voix sert au plus près le lyrisme tendre de la romance « Pour me rapprocher de Marie », tandis que le ténor domine une nouvelle fois la bravoure de « Pour mon âme » et sa kyrielle de contre-ut.

Alessandro Corbelli campe un excellent Sulpice, aux rondeurs bonhommes, porté sur l'alcool et les femmes et en particulier une, la pétulante Marquise de Berkenfield, incarnée par Doris Lamprecht, dont le français comme celui du baryton est totalement intelligible. En guest star de choc, Felicity Lott qui succède à Montserrat Caballé et à Kiri Te Kanawa, ne fait qu'une bouchée de l'affreuse Duchesse de Crakentorp, tout droit sortie d'une bande-dessinée, créant la surprise (comme à Vienne) en interprétant la mélodie suisse « Schätzli ». Mention spéciale pour l'Hortensius déjanté de Francis Dudziak et pour les Choeurs et l’Orchestre de l'Opéra, au garde à vous !

François Lesueur

(1) cf. critique du 13 mars 2010.

Donizetti : La fille du régiment – Paris, Opéra Bastille, 15 octobre, prochaines représentations les 24, 27, 80 octobre et les 2, 6, 8 et 11 novembre 2012

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Photo : Opéra national de Paris/ Agathe Poupeney
 

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