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La Damnation de Faust à l’Auditorium de Bordeaux – Un sauveur nommé Spyres - Compte-rendu

Fichue grippe ! Cloué au lit au lendemain de la première de La Damnation de Faust, Eric Cutler a donné, bien malgré lui, des sueurs froides aux responsables de l’Opéra de Bordeaux. Un ténor capable de tenir la partie de Faust, cela ne se trouve pas à tous les coins de rue. Par chance, Michael Spyres (photo), habitué de cet emploi, est à Paris en ce moment pour la préparation du Pré aux Clercs de Hérold (à l’affiche à partir du 23 mars à la Salle Favart) et a pu se libérer in extremis ; il aura disposé d’à peine plus d’une heure de répétition avec Paul Daniel. Rien de tel pour mettre en valeur professionnalisme et sens musical. La qualité des protagonistes qui l’entouraient a certes aidé, mais on ne peut toutefois que saluer bien bas la performance du chanteur américain samedi dernier.

Paul Daniel © F. Desmesure

Directeur musical de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine depuis la rentrée 2013, Paul Daniel accomplit un travail exemplaire à la tête d’une phalange en pleine renaissance, dynamisée par l’ouverture de l’Auditorium de Bordeaux. L’ouvrage de Berlioz comptait parmi les temps forts de la saison et vient de mettre en lumière les affinités du chef britannique – un de plus ! – avec la musique de notre Hector national. La fameuse Marche hongroise qui clôt la brève première partie symbolise parfaitement une conception fuyant tout effet facile, toute lourdeur, tout clinquant au profit d’un dynamisme, d’un relief et d’une richesse des couleurs mis au service de la narration. Et de quelle subtilité la baguette de Paul Daniel fait-elle preuve dans un épisode tel que le Ballet des Sylphes, admirable de finesse et de frissonnante poésie. Un contexte aussi éminemment berliozien a tout pour mettre en confiance les solistes.
 
Galvanisé par le défi, Spyres offre un Faust humain et touchant par la fragilité qu’il lui imprime. Rien de fragile en revanche chez un ténor dont l’ardeur, le style et le sens de la ligne, sans parler d’un français impeccable, forcent l’admiration et lui vaudront in fine un triomphe légitime. A ses côtés, Géraldine Chauvet signe une belle et singulière incarnation ; sa Marguerite apparaît comme nimbée d’un halo de mystère, d’étrangeté plutôt. Laurent Alvaro n’est pas en reste avec un Méphisto cauteleux mais sans surcharge et toujours très musical – quel sens du mot, de la phrase ! Le beau Brander de Frédéric Goncalves vient parfaire l’homogénéité vocale et stylistique du quatuor. Salvatore Caputo, qui a pris la tête du Chœur de l’Opéra de Bordeaux en novembre dernier, obtient le meilleur de ses troupes, augmentées d’une vingtaine de membres du Chœur de l’Armée Française et de la Jeune Académie Vocale d’Aquitaine.

Une soirée à marquer d’une pierre blanche. On attend avec impatience de retrouver Paul Daniel pour Tristan et Isolde, du 26 mars au 7 avril.
 
Alain Cochard
 
Berlioz : La Damnation de Faust (version de concert), Bordeaux, Auditorium, 20 février 2015

Photo © DR

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