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​La Création de Haydn en version française, sous la direction de Julien Chauvin, au Festival de Saint-Denis 2023 – Quand la musique coule de source – Compte-rendu

 
Magnifique soirée inaugurale pour le Festival de Saint-Denis avec La Création de Haydn dans sa version en français, et double aboutissement pour Julien Chauvin (photo) et son Concert de la Loge. Ce rendez-vous constituait en effet le moment phare de la première année de résidence de la formation au festival mais, plus encore, l’a montrée recueillant les fruits d’une fréquentation assidue de la musique de l’Autrichien. 2015 : on souvient, au tout début de l'existence du Concert de la Loge – olympique à l’époque ! –, d’une très séduisante Armida dans le cadre d’une tournée de l’Arcal. Depuis, le chef et violoniste et ses musiciens n’ont cessé de fréquenter la musique symphonique de Haydn. Ce pour leur plus grand profit, on l’imagine aisément, quand il s’est agi d’aborder le plus fameux oratorio du compositeur.
 
Pour cette exécution de la version en français utilisée lors la première parisienne de La Création, le chef a su mettre tous les atouts de son côté en réunissant une remarquable distribution vocale, on va y revenir, mais en accomplissant aussi en amont – Julien Chauvin s’expliquait sur ce point il y a peu dans nos colonnes (1) – un travail de reconstitution appuyé tant sur le conducteur d’orchestre (conservé à la Bibliothèque nationale) utilisé par Jean-Baptiste Rey le 24 décembre 1800, que sur la première édition piano-chant de la version française de l’ouvrage, totalement inédite ; document précieux qui a permis au musicologues Julien Dubruque et Thomas Taquet de mettre au point l’édition critique utilisée à Saint-Denis.
 
© Christophe Fillieule

Expérience singulière que celle de La Création en français (on doit sa mise en vers à Joseph-Alexandre de Ségur), par la couleur différente qu’implique l’usage de notre langue – avec l’immédiateté que cela suppose pour l’auditeur dans la relation à la musique. On ressort de la soirée à la basilique des Rois avec la sensation d’avoir baigné dans un extraordinaire bain de poésie. L’orchestre de Haydn, par le sens des caractères qui s’y déploie, s’avère d’une rare puissance visuelle et fait parfois l’objet de contrastes excessifs dans certaines interprétations. Nul reproche à adresser à Julien Chauvin sur ce point ; tout dans sa direction coule de source. Sans sollicitation inutile, il sait laisser parler la musique, parvenant toujours à ses fins par l’exceptionnelle intensité des timbres et le modelé d’une sonorité aussi riche que variée, jamais par le surlignage ou une théâtralisation déplacée. Autant dire qu’il offre à ses chanteurs un écrin idéal leur permettant de donner le meilleur d’eux-mêmes.
 

Julie Roset, Stanislas de Barbeyrac & Nahuel Di Pierro © Christophe Fillieule

 Déjà remarquée dans divers projets de Leonardo García Alarcón, Julie Roset (Ange Gabriel & Eve) emporte l’adhésion par la beauté de son instrument et une incroyable facilité dans l’aigu. De plus, pas un seul instant ne se dégage une quelconque sensation de performance tant la jeune soprano ( passée par la Juilliard School, où elle a terminé ses études l'an dernier avec un diplôme d'interprétation Opera Studies) montre un art continûment soumis à l’impératif musical et poétique – chaque note signifie. Une révélation pour beaucoup d’auditeurs et une artiste à suivre de très près !
Il n’est plus besoin en revanche de dire les qualités de Nahuel Di Pierro dont la beauté du timbre et l’humaine expressivité nous valent un Ange Raphaël et un Adam de premier ordre. On n’est pas moins enthousiasmé par Stanislas de Barbeyrac (Ange Uriel) dont la présence saisit dès sa première apparition, le ténor se montrant par la suite formidablement investi et concentré dans un emploi idéalement accordé à son autorité naturelle et la parfaite projection de sa voix.
Quant au Chœur de chambre de Namur, il n’aura fait que confirmer sa place au firmament des formations européennes par le relief et l’intelligence dramatique de ses interventions.
Les micros d’Alpha Classics étaient là : inutile de dire que la hâte de retrouver l’enregistrement de cette magistrale Création est plus que vive.
 
Alain Cochard

 

(1) www.concertclassic.com/article/julien-chauvin-dirige-la-creation-au-festival-de-saint-denis-2023-haydn-version-francaise
 
Saint-Denis, Basilique-cathédrale, 6 juin 2023 // Festival de Saint-Denis, jusqu’au 27 juin 2023 : festival-saint-denis.com/programmation/programmation-2023/   
 
Photo © Marco Borggreve

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