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La Collection « Les Musiciens et la Grande Guerre » s’achève – Un dernier volume entre découverte et création

36 volumes (1) : le chiffre donne la mesure du travail mené par les Editions Hortus avec la collection Les Musiciens et la Grande Guerre. Lancée en 2014, elle se referme cinq ans plus tard offrant un irremplaçable panorama de la création musicale à la veille, pendant et au lendemain de la Grande Guerre. 120 compositeurs, 12 nationalités : loin de se limiter à un axe franco-allemand, l’entreprise embrasse toutes les nations engagées dans le conflit, de Magnard à Kelly, de Ravel à Reger, de Vierne à Vellones, de Willan à Stephan, de Bridge à Farrar, de Debussy à Pfitzner, de Boulanger à Fairchild, de Busoni à Enesco, et plonge l’auditeur dans des esthétiques et des atmosphères extrêmement variées.
 

Pour le plus grand bonheur des curieux, des dizaines d’inédits parsèment la collection, parmi lesquels des pages de Lucien Durosoir (1878-1955), célèbre violoniste français qui, marqué par l’épreuve du front, abandonna sa carrière de concertiste après la guerre et se retira dans les Landes pour se consacrer à la composition. Grâce aux initiatives d'interprètes tels que l’Ensemble Calliopée (2)  – qui a d’ailleurs signé le superbe volume XVIII « Ombres et Lumières » (Stephan, Vierne, Durosoir) de la collection Grande Guerre (3) –, on a pu, depuis une décennie, découvrir ce créateur ignoré. Le XXXVIe et dernier volume de la série Grande Guerre lui fait place avec Funérailles, vaste ouvrage symphonique en quatre volets que l’on découvre en première mondiale sous la baguette engagée de Mikhail Golikov à la tête du Taurida International Symphony Orchestra. Inspiré par la poésie de Jean Moréas, Funérailles naquit entre 1927 et 1930 et se veut hommage aux victimes du conflit. Par son écriture complexe, mouvante et foisonnante, il offre un exemple très représentatif de l’art d’un créateur pour le moins inclassable.
 

 
Philippe Hersant : Sous la pluie de feu/ 2ème mvt (ext.)

Le couplage avec Sous la pluie de feu de Philippe Hersant (photo), va de soi. Ecrit au début de 2018 en commémoration de l’armistice (4), ce double concerto pour violon et violoncelle rend en effet hommage à Lucien Durosoir, au violoncelliste Maurice Maréchal et à l’écrivain (et traducteur de Dante) André Pézard, auquel il emprunte son titre. Lyrique et visuelle, cette prenante partition, dont les trois volets se révèlent très imbriqués du point de vue thématique, est ici disponible dans l’enregistrement de sa création (à Radio France le 16 novembre 2018) sous les archets d’Hélène Collerette et Nadine Pierre, accompagnés par Pascal Rophé et l’Orchestre Philharmonique de Radio France.
 

Cyrille Dubois, interprète de l'un des plus beaux volumes de la Collection Grande Guerre © cyrille-dubois.fr

Concomitamment à la sortie du Vol. XXXVI, paraît un disque intitulé « La Gazette du Conservatoire » – clin d’œil à la publication lancée par Nadia et Lili Boulanger à la fin 1915 et qui parut de janvier 1916 à juin 1918 – ; il constitue en fait le XXXe volume de la Collection Grande Guerre et en propose un bonne vingtaine d’extraits. Un éventail, très représentatif, où l’on trouve entre autres des mélodies, issues de trois récitals, respectivement confiés à Cyrille Dubois (Vol. XIII « Clairières dans le ciel"), Marc Mauillon (Vol. XV « A nos morts ignorés ») et Françoise Masset (Vol. XVI « Verdun, feuillets de guerre »), tous admirablement accompagnés par Anne Le Bozec.

Alain Cochard

(1) Auxquels il faut ajouter un 37ème volume, non numéroté : « La Grande Guerre en Marseillaises » par Jean-Philippe Lafont et Cyrille Lehn (Hortus 140)

(2) On se souvient de l'album "Jouvence", magnifique panorama de la musique de chambre de Durosoir paru chez Alpha. On n’oublie pas, chez le même éditeur, une très belle version des Quatuors nos 1, 2 & 3 par le Quatuor Diotima

(3) www.concertclassic.com/article/ombres-et-lumieres-par-lensemble-calliopee-le-disque-de-la-semaine

(4) Sous le soleil de feu résulte d’une co-commande de Radio France, de l’Orchestre de Pau – Pays de Béarn et de l’Orchestre National de Lorraine.

Photo © A. Yanez

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