Journal

La chronique d'Emilie Munera - Quand la musique fait son cinéma

 

Certains d’entre vous ont peut-être déjà assisté à un ciné-concert, ces spectacles hybrides où un pianiste voire un orchestre interprètent en direct la bande originale d’un film pendant sa projection. Depuis quelques années, le genre est très en vogue. Aujourd’hui, parallèlement à ces ciné-concerts, se sont développés des concerts de musique de films. Plus besoin d’images, la musique se suffit à elle-même : si vous épluchez la saison de la formation symphonique qui se trouve près de chez vous, vous y trouverez probablement un concert regroupant les grandes pages d’Ennio Morricone, John Williams, Hans Zimmer, Alexandre Desplats ou Howard Shore. La musique de film a trouvé une seconde vie dans les salles de concert et le public est au rendez-vous. Qui aurait pu imaginer qu’un jour John Williams dirigerait ses propres oeuvres à la tête du Philharmonique de Berlin, que son concert afficherait complet puis qu’il serait publié par DG ?
 

Howard Shore à la Maison de la Radio les 12, 13 & 14 mai © Benjamin Ealovega

Les concerts de musique de cinéma font recette et les producteurs de spectacle l’ont bien compris : il ne reste déjà quasiment plus de place pour le Hans Zimmer Live, spectacle avec choeur et orchestre reprenant les musiques de l’auteur des bandes originales du Roi Lion, Gladiator ou Dune. A la Maison de la Radio, c’est le compositeur attitré de David Cronenberg (et père du Seigneur des Anneaux), Howard Shore, qui est célébré le temps d’un week-end. L’Orchestre Philharmonique, le Chœur et la Maîtrise de Radio France, mais aussi la violoniste Raphaëlle Moreau, le violoncelliste Henri Demarquette ou le pianiste Jean-Paul Gasparian, dresseront un portrait du compositeur canadien.
Au chapitre ciné-concert, 2001 : L’Oyssée de l’espace de Stanley Kubrick, après avoir été présenté sous cette forme dans 34 autres villes sur cinq continents, est promis à un beau succès, le 21 mai prochain au Grimaldi Forum de Monte-Carlo, avec l’accompagnement de l’Orchestre Philharmonique du Rocher, sous la baguette de Pieter-Jelle de Boer, et du Chœur Vox Clamantis (dir. Jaan-Eik Tulve)
 

Au disque récemment, ce sont d’autres musiciens célèbres du milieu classique qui ont consacré leur enregistrement au 7e Art, Alexandre Tharaud (« Cinéma », Erato), et Jean-Marc Luisada (« An cinéma ce soir », La Dolce Volta) en tête. La musique de cinéma n’a pourtant pas toujours reçu autant d’honneurs du monde de la musique classique. Elle a même été longtemps regardée avec dédain ; Stravinsky qualifiait le genre de musique "papier peint ». Et si on excusait certains compositeurs “savants” de s’encanailler en écrivant pour le cinéma, il n’était pas question d’ouvrir les portes de salles de concerts aux auteurs de musiques de film.
Ennio Morricone ( compositeur programmé le 12 mai prochain à la Cité musicale de Metz) a souvent regretté que seule sa “musica applicata” (musique composée pour le cinéma) ait intéressé le grand public, tandis que sa “musica assoluta” (écrite pour le concert) restait dans l’ombre. La plupart des compositeurs connus pour leur musique de film ont écrit pour le concert… mais leur public réclame toujours et avant tout les grands thèmes des bandes originales.

 

2001 : L'Odyssée de l'espace à Monte-Carlo le 21 mai © Courtesy of Warner Bros Pictures

L’un d’eux a cependant  – et a posteriori – tiré son épingle du jeu : l’Italien Nino Rota. Le compositeur préféré de Fellini a laissé de nombreuses pages de musiques de concert que je vous encourage à découvrir. Opéras, ballets, symphonies, concertos, musique de chambre, pièces vocales, il a abordé tous les styles. Celui qui fut professeur puis directeur du conservatoire de Bari, a même eu des élèves prestigieux, tel le chef Riccardo Muti qui a souvent clamé l’admiration qu’il éprouvait pour son professeur.

Un autre grand chef, Riccardo Chailly, dit lui aussi avoir été impressionné par la connaissance encyclopédique que Nino Rota avait de la musique. L’artiste milanais a pourtant été écarté de la scène musicale par l’avant-garde musicale italienne dès qu’il a commencé à écrire pour le cinéma. Aujourd’hui, on le croise cependant de plus en plus souvent au concert et au disque. Pour mon (et notre) plus grand plaisir ! Sa production pour le concert présente les mêmes qualités que sa musique de film : elle est lumineuse et séduit au premier coup d’oreille. “Nino Rota a utilisé un langage musical moderne, sans être trop cérébral” note Riccardo Muti. D'où son succès. Lorsqu’ils écrivent pour le concert, les compositeurs de musique de cinéma utilisent souvent un langage âpre aux harmonies complexes… comme s’ils voulaient prouver qu’ils sont capables d’écrire une musique “sérieuse” et difficile. Tel n’est pas le cas de Nino Rota. « On pense de ma musique qu’elle est seulement faite d’un peu de nostalgie, de beaucoup de bonne humeur et de beaucoup d’optimisme disait-il. Et bien, c’est justement comme ça que je voudrais qu’on se souvienne de moi, avec un peu de nostalgie, beaucoup de bonne humeur et beaucoup d’optimisme ». D’un univers l’autre, Nino Rota reste Nino Rota… Et c’est ce qui fait tout le charme de sa musique.

Emilie Munera

Hans Zimmer Live
A Nice, Montpellier, Bordeaux en mai, à Paris en juin
www.hanszimmerlive.com/

The World of Hans Zimmer
20 dates dans toute la France en 2024
www.gdp.fr/fr_FR/artistes/the-world-of-hans-zimmer

De Nino Rota à Ennio Morricone à la Cité musicale de Metz le 12 mai 2023
www.citemusicale-metz.fr/agenda/de-nino-rota-a-ennio-morricone

Week-end Howard Shore – Maison de la Radio, 12, 13 & 14 mai 2023 
www.maisondelaradioetdelamusique.fr/evenement/concert-symphonique/le-seigneur-des-anneaux-0

2001 : L’Odyssée de l’espace
21 mai 2023 – 18h
Monte-Carlo – Grimaldi Forum
www.opmc.mc/concert/2001-lodyssee-de-lespace/

Partager par emailImprimer

Derniers articles