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La Chronique de Jacques Doucelin - Les festivals estivaux estompent les frontières entre les saisons

En France, les festivals d’été assurent en douceur, mais non sans dépaysement, la continuité d’une saison musicale à l’autre, de celle qui s’est achevée à celle qui va commencer. Il faudrait aussi ajouter le rôle bénéfique de certaines télévisions qui acceptent de retransmettre en direct ou non les principaux événements festivaliers permettant ainsi à tout un chacun de voyager à domicile dans son fauteuil. Les manifestations tardives, comme les vendanges du même nom, de Piano aux Jacobins à Toulouse, d’Ambronay, de Besançon, des Nuits romantiques sur le lac du Bourget, de Musica à Strasbourg et, bien sûr, du Festival d’Automne à Paris, se mêlent intimement à l’ouverture de la prochaine saison.

Elles compensent même le sommeil estival prolongé de certaines institutions qui profitent de l’occasion de la trêve des vacances pour faire peau neuve. C’est d’abord le cas de l’Opéra Comique où Jérôme Deschamps poursuit chaque été son entreprise de rénovation des lieux jusqu’à la fin de l’année pour rouvrir cette fois seulement le 2 janvier avec une rareté, Amadis de Gaule de Jean-Chrétien Bach ressuscité par Jérémie Rhorer. De son côté, le Théâtre des Champs-Elysées rénove actuellement son plateau de fond en comble et n’accueillera pas de public avant le 10 novembre pour un concert de l’Orchestre National de France dans un programme entièrement français (Ravel/Poulenc).

Cette formation de prestige de Radio France et son patron Daniele Gatti poursuivront par ailleurs leur cycle Gustav Mahler en lever de rideau de la saison du Châtelet avec la 9ème Symphonie le 15 septembre. Les tournées des grandes phalanges internationales permettront pour sa part à la salle Pleyel de griller la politesse à ses concurrentes parisiennes dès le 2 septembre avec l’Orchestre de Chicago sous la flamboyante baguette de Riccardo Muti dans Richard Strauss et Chostakovitch. La Cité de la Musique s’ouvrira quant à elle à la Dynastie Borgia avec l’infatigable Jordi Savall qui proposera à la tête de ses deux formations baroques, le 13 septembre, un contrepoint musical aux règnes des deux papes issus de cette célèbre et cruelle lignée.

Comme d’habitude et afin de ne pas brusquer les personnels à l’issue de leurs vacances, l’Opéra de Paris rouvrira ses deux salles sur des reprises : la Salomé de Strauss dans la production d’André Engel dirigée par le vieux routier Pinchas Steinberg, le 8 septembre à l’Opéra Bastille, et La Clémence de Titus de Mozart dans la vision antiquisante de Willy Decker sous la baguette d’Adam Fischer, deux jours plus tard au Palais Garnier. Ainsi s’inaugurera une saison sans histoire marquée comme il se doit au sceau des goûts de Nicolas Joël, l’actuel patron de la « Grande Boutique » comme disait Verdi.

Deux ouvrages français retrouveront ainsi l’affiche de l’Opéra de Paris : d’abord le Faust de Gounod (1) confié à deux anciens responsables de la maison le chef Alain Lombard et le metteur en scène Jean-Louis Martinoty (22 septembre-25 octobre), puis la Manon de Massenet dirigée par l’Italien Evelino Pido dans une vision de Coline Serreau avec Natalie Dessay passant du Paris de la Traviata de Verdi au Cours la Reine (10 janvier-13 février). A signaler le joli coup de chapeau de Nicolas Joel à celui qu’il considère à juste titre comme son maître Jean-Pierre Ponnelle avec la première à Paris de sa Cenerentola de Rossini avec Karine Deshayes en Angelina (26 novembre-17 décembre). Dans une saison sage et sans histoire, la nouvelle création de Philippe Fénelon La Cerisaie retiendra l’attention dans une mise en scène de Georges Lavaudant (27 janvier-13 février).

Cette troisième saison correspondra au milieu du règne de Nicolas Joel nommé en effet pour cinq ans. Ce qui signifie qu’il est temps pour les tutelles de songer à la suite en 2012 au plus tard. Non qu’il soit question aucunement d’un désaveu de l’action de l’actuel patron, mais outre que la tâche est épuisante, nul n’ignore l’accident vasculaire dont Nicolas Joel fut victime avant sa prise de fonction. Et quel que soit le parti adopté par les pouvoirs publics, il est de règle de désigner le directeur de l’Opéra trois saisons à l’avance afin de lui permettre de préparer ses programmes en toute tranquillité tout en ménageant une saine transition.

Jacques Doucelin

1(1) La retransmission de ce nouveau spectacle de l’Opéra Bastille, le 10 octobre à 20h30, à l’Auditorium du Louvre inaugurera la nouvelle saison d’opéras filmés de Christian Labrande sous la pyramide de Peï. Après la Scala, le Bolchoï, le Mariinsky et l’Opéra de Vienne, c’est au tour de l’Opéra de Paris d’y être à l’honneur jusqu’au 3 juin 2012. La suite puisant notamment dans les trésors de l’ère Liebermann conservés par l’INA, permettra de retrouver les légendaires Noces de Figaro de Strehler (17 décembre, 18h30), l’Adrienne Lecouvreur de Mirella Freni (17 décembre, 15h), l’Otello de Margaret Price et Placido Domingo (18 décembre, 15h), le Moïse et Pharaon de Rossini avec Georges Prêtre, Samuel Ramey et Shirley Verrett (21 janvier, 15h) et L’Enfant et les sortilèges de Ravel et Oedipus Rex de Stravinsky sous la baguette d’Ozawa dans le vision de Jorge Lavelli (21 janvier, 18h30). Rés. : 01 40 20 55 00

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Photo : DR
 

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