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La Bohème à l’Opéra Bastille - De Paris à la lune - Compte-rendu

Le metteur en scène Claus Guth se signale par des approches décapantes et hors des conventions. Pour cette nouvelle production de La Bohème à la Bastille, il n’y manque pas comme on s’en serait douté. C’est ainsi que, prenant prétexte du dernier épisode du roman d’Henry Murger (Scènes de la vie de bohème qui a inspiré l’opéra de Puccini) où les héros vieillis reviennent sur leur passé, il transporte l’action du Paris des artistes et poètes fin XIXe siècle dans une navette spatiale en perdition dans sa route de la terre à la lune. Tant qu’à chercher à être original ! ...
Il est vrai qu’un engin interplanétaire se prête mieux à la vastitude nickelée du vaisseau de la Bastille qu’une chambre sous les toits de Paris. Et puis, de la fenêtre de la chambrette de Mimi il est bien dit qu’on voit le ciel ! Mais passé le premier effet de surprise, voire d’agacement, on goûte un jeu des personnages parfaitement réglé et en situation. Malgré le décor blanc laiteux d’intérieur de fusée intergalactique et quelques tenues de cosmonautes croquignolesques, qui échappent il faut reconnaître au misérabilisme que sous-tend l’histoire, ce sont bien Mimi, Rodolfo et leurs comparses qui sont campés ; dans des costumes et mises d’époque romantique, des comportements et gestiques on ne peut plus traditionnels et fidèles au livret. L’aspect féerique, bien présent dans la trame originale, se retrouve même souligné, à grand renfort de paillettes (d’un rideau façon music-hall et de certains attributs), d’effets de neige (y compris sur la lune !) et de personnages allégoriques, comme ce Maître de cérémonie grimé en clown blanc. Pourquoi pas ? au bout du compte…

© Bernd Uhlig
 
D’autant que la restitution musicale, des plus idoines, ne saurait déparer. C’est l’essentiel ! Pour ses débuts à l’Opéra de Paris, le ténor brésilien Atalla Ayan plante un Rodolfo de belle allure, torturé à souhait dans sa prestation scénique mais porté par une émission pleinement soutenue. Sonya Yoncheva ne déçoit pas, Mimi douloureuse certes et d’une claire ductilité (malgré un aigu crispé à la fin du premier acte). Le grand duo des deux amants qui ouvre l’opéra resplendit alors d’un magnifique lyrisme contrôlé. Les seconds rôles se révèlent tout autant adaptés, où se détachent la Musetta ardente d’Aida Garifullina et le Marcello ferme d’Artur Ruciński. L’orchestre et le chœur, dont les excellents enfants chanteurs de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, répondent présents d’un seul élan, comme lors des parties enchevêtrées qui ferment le deuxième acte, dans une mise en place léchée entre le plateau et la fosse. Galvanisés qu’ils sont par la battue fouillée d’un tempo allant de Gustavo Dudamel. Un sans-faute de la part de ce jeune chef mondialement célébré, qui répond à toutes les attentes et fait avec éclat sa première apparition à l’Opéra de Paris.
 
Pierre-René Serna

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Puccini : La Bohème – Opéra Bastille, Paris, 1er décembre ; prochaines représentations : 4, 7, 10, 12, 16, 18, 21, 23, 26, 29 & 31 décembre 2017 / www.concertclassic.com/concert/la-boheme-1
 
Photo © Bernd Uhlig - OnP

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