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​La Bohème au Théâtre des Champs-Elysées – Le couple idéal – Compte-rendu

 
Retour aux sources et aux fondamentaux avec cette production classique et respectueuse d’Eric Ruf donnée au Théâtre des Champs-Elysées, qui succède à celle, plus que contestable, de Claus Guth reprise récemment à la Bastille. Pas d’anticipation ou de fantaisiste élucubration ici pour restituer ce qui fait l’essence même de l’œuvre, à savoir la survie d’une jeunesse insouciante et avide d’amour, dans une capitale où la réussite s’apparente à un combat. Moins inspiré que pour son Pelléas et Mélisande présenté en 2017 puis en 2021, Ruf traite son sujet avec sincérité, recréant avec l’aide de Bertrand Couderc (lumières) et Christian Lacroix (costumes) une plaisante atmosphère cinématographique directement puisée dans les décors de studio des années cinquante – changés à vue. Lui tient surtout à cœur l’émotion, traduite à chaque instant par la musique de Puccini, que sa direction d’acteur maîtrisée rend palpable grâce au jeu très naturel de ses comédiens. Amitié, entraide, amour, jalousie et désespoir, rien n’est occulté et ce n’est pas sans un serrement de gorge que nous assistons après deux heures de spectacle à la mort bouleversante de l’héroïne.
 
Lorenzo Passerini © lorenzopasserini.com

Grand triomphateur de la soirée Lorenzo Passerini succède à la désolante lecture de Michele Mariotti à l’Opéra de Paris. Le chef d’origine lombarde (né en 1991) à la tête d’un Orchestre national de France remarquable, ressent intensément cette partition imagée et frémissante, dont l’architecture subtilement rythmée conduit l’auditoire vers l’issue dramatique que l’on sait. Première apparition très remarquée du jeune maestro à Paris ! 
 

© Vincent Pontet

Difficile de trouver actuellement plus belle distribution pour incarner la jeunesse de personnages aux destins inexorablement liés. Les débuts éclatants de Pene Pati (1) en Rodolfo ne vont pas être sans conséquence sur la suite de son irrésistible ascension. Le ténor possède l’intelligence du texte, la délicate assurance du phrasé, le timbre radieux et solaire ainsi que des aigus de toute beauté, apanage des plus grands titulaires, Pavarotti en tête. La Mimi de Selene Zanetti n’est pas en reste : le velouté, l’équilibre et la plasticité de cette voix sûre et franche soutenue par une interprétation fouillée de son personnage la hissant parmi les meilleures du moment.
 

© Vincent Pontet

Malgré une émission toujours trop forte et un chant parfois brutal Alexandre Duhamel est un solide Marcello, Francesco Salvadori un parfait Schaunard et Guilhem Worms un puissant Colline, presque évincés par la somptueuse Musetta d’Amina Edris, véritable tornade, que l’on attend avec impatience à Paris dans un rôle d’envergure, à la hauteur de son talent. Seconds rôles (Marc Labonnette, Rodolphe Briand) et Chœur Unikanti-Maîtrise des Hauts-de-Seine (dir. Gaël Darchen) épatants.
Le spectacle ne tient l’affiche que jusqu’au 24 juin : pas un instant à perdre !

 
François Lesueur

(1) Lire l’interview de Pene Pati : www.concertclassic.com/article/une-interview-de-pene-pati-tenor-le-francais-aime-les-mots-litalien-aime-les-sons

Puccini : La Bohème – Pairs, Théâtre des Champs-Elysées, 17 juin ; prochaines représentations 19, 22 & 24 juin // www.theatrechampselysees.fr/saison-2022-2023/opera-mis-en-scene/la-boheme
 
 
Photo © Vincent Pontet

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