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La Bayadère à l’Opéra de Paris - De gaze et d’or

Il y a du rose, du corail, du parme, du cyclamen, du fuchsia, du mauve, du violet, du pourpre, mêlés de turquoise claquant, de vert irradiant : laqués, lamés, brodés, pailletés. Il y a même un éléphant au milieu de ces turbans, voiles, saris et drapés. Le tout se finissant sur une immatérielle symphonie de blanc, acmé de ce copieux ballet, qui mêle séductions terrestres et accès à l’infini romantique, en bon classique de son temps.
Certes, le triomphe de La Bayadère, inlassablement reprise à l’Opéra, doit beaucoup à cette miraculeuse symphonie de couleurs et de formes imaginée par le tandem Squarciapino-Frigerio. Cela eût pu être du pire mauvais goût, c’est tout simplement le scintillement d‘une miniature persane en 3D.

Merveille de l’oeil, donc, bien plus que de l’oreille car il faut subir la musiquette de Minkus(1826-1917), pondue à l’époque où Tchaïkovski officiait. On se prend à rêver de ce qu’aurait pu être le ballet avec un autre compositeur ! Heureusement, le redoutable auteur de Don Quichotte a eu quelques moments de grâce : notamment pour le fameux Ballet des Ombres du IIIe acte, moment majeur de la chorégraphie autant que de la musique, où les douces glissades-arabesques du corps de ballet n’en finissent pas d’émerveiller le public par leur simplicité et leur harmonieux ordonnancement.

Pour le reste, il y a bien sûr, tout au moins pour les Parisiens, lorsqu’ils ont une mémoire, l’ombre planante de Noureev, dont ce fut le chant du cygne. Le ballet certes, était depuis longtemps l’une des pièces maîtresses du répertoire russe, et de multiples compagnies de par le monde, en avaient rebâti des versions plus ou moins fidèles. Noureev lui-même l’avait déjà dansé à l’Opéra de Paris dans une version partielle, du temps de sa splendeur, avant de consacrer ses dernières forces à le reconstituer le plus fidèlement possible, comme un retour vers sa maison mère de Saint-Pétersbourg. C’était en octobre 1992 : il mourait trois mois plus tard.

Séduisante à l’extrême donc, malgré ses longueurs et ses lourdeurs, La Bayadère, ce « rêve d’orient » caressé par les décorateurs, est un ballet avantageux pour la troupe, car il offre plusieurs personnages colorés, emblématiques de cet exotisme alangui qui fascinait un occident assoiffé d’aventure. De Nikiya, la sinueuse et poignante héroïne, à Gamzatti, la méchante princesse -mais quel beau tutu-, tandis que le malheureux Solor, âme faible comme souvent dans les ballets romantiques, se débat entre elles. Le tout au sein d’une foultitude de prêtres, idoles, guerriers et danseuses sacrées.

Quant aux interprètes, ils y sont tous, ou presque : du beau Stéphane Bullion au brillant Josua Hoffalt, de l’active Dorothée Gilbert à la fluide Mathilde Froustey, et, en Bayadère, de la reine Aurélie Dupont à la souveraine Svetlana Zakharova, venue en invitée de marque.
Mais on gardera un œil intéressé et sans doute charmé, sur la prise de rôle de Myriam Ould Braham, exquise ballerine qu’on souhaite tant voir arriver au panthéon des étoiles. Avec la fine et efficace baguette de Fayçal Karoui pour l’épauler en ces soirées de prestige.

Jacqueline Thuilleux

La Bayadère
(L. Minkus/ chor. R. Noureev)
Paris - Opéra Bastille
7, 10, 17, 19, 20, 22, 24, 27, 28 mars, 2, 4, 9, 11 et 15 avril 2012

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Photo : Photo Sébastien Mathé / Opéra national de Paris
 

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