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Karita Mattila en récital au Châtelet - Belle revanche - Compte-rendu

De passage à Pleyel il y a tout juste un an (1), Karita Mattila avait énergiquement lutté contre un refroidissement pour offrir à son public le récital qu'il méritait. Invitée au Châtelet devant un parterre clairsemé mais constitué de fervents admirateurs, la soprano finlandaise vient de prendre une belle revanche sur elle-même et sur ceux qui l’avaient jugée un peu trop vite sur le déclin.

Fidèle à l'exigence que nous lui connaissons, Mattila n'a pas choisi la facilité avec un beau programme de mélodies françaises, finlandaises et allemandes. La musique de Poulenc exige sans doute une ligne plus moelleuse que la sienne ; les matériaux pourtant différents de Lott ou de Normann s'y épanouissant plus aisément. Son français, pourtant compréhensible, manque de transparence pour livrer toutes les subtilités des Banalités, comme si les vers d'Apollinaire lui résistaient. Les cinq poèmes de Baudelaire mis en musique par Debussy, comme ceux de Lahor, Gautier et Leconte de Lisle habillés par Duparc, malgré la difficulté de leur prosodie, n'handicapent pas la cantatrice qui, au contraire, sait tirer parti de leur mystérieuse beauté .

Limpide et colorée, la voix coule sans accroc et fait corps avec la musique délicieusement voluptueuse et envoûtante de ces deux auteurs, dont elle souligne le style si personnel et l'écriture si française. Troublante, féminine et sensuelle Karita Mattila se montre à son meilleur dans une Phydilé d'abord murmurée, puis littéralement secouée par le vent du large.

Changement radical en seconde partie, la soprano ayant choisi de passer après la lumière au versant plus sombre de sa personnalité. La robe noire et stricte qui succède aux soieries roses et vaporeuses s'accorde parfaitement au cycle composé par Aulis Sallinen en 1973, intitulé Quatre chansons de rêve. Femme hantée par son amant décédé qui lui revient en songe, berceuse macabre, rêve et mort, traités comme de lancinantes variations, permettent à la musicienne, magnifiquement épaulée par l'accompagnement morbide du pianiste Ville Matvejeff, de composer un saisissant paysage mental autant que musical. Cinq lieder de l'Autrichien Josef Marx (1882-1964) viennent enfin surprendre l'auditoire, sous le charme de cette voix puissante et fière aux graves aujourd'hui plus affirmés, que la langue allemande met si bien en valeur.

En hommage à son public et à Paris qu'elle aime tant, la soprano revient avec Zueignung de Strauss (comme l’an dernier à Pleyel) et un très amusant tango finlandais ; ses congénères aimant eux aussi danser sur des rythmes qui n'appartiennent pas seulement aux Argentins.

François Lesueur

(1) le 26 mars 2012

Paris, Châtelet, 29 mai 2013

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Photo : Lauri Eriksson
 

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