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Julien Wolfs joue Froberger – Le Disque de la Semaine

Un seul reproche à adresser à l’interprète, commençons par là : Julien Wolfs pèche par excès de discrétion. Le lauréat (2ème Prix) du Concours de Bruges en 1997 aura effet attendu une décennie avant de signer son premier enregistrement en solo.(1) Il est vrai qu’en 1999 l’ensemble Les Timbres (2), que J. Wolfs forme avec la violoniste Yoko Kawabuko et la gambiste Myriam Rignol, remportait le Premier Prix dans la catégorie musique de chambre du Concours de Bruges et que, depuis, le claveciniste belge se concentre sur l’activité au sein de cette remarquable formation – très applaudie au Festival Bach en Combrailles cet été (3).

Méditation faite sur ma mort future (ext.)

Julien Wolfs © Markus Voetter

Allemande faite en passant le Rhin dans une barque en grand péril (ext.)

Le récital Johann Jacob Froberger (1616-1667) qui paraît est à ranger parmi les belles surprises discographiques de ce début de saison. Soigneusement bâti, le programme a pour piliers des pièces de caractère très subjectif, autobiographique parfois. Méditation faite sur ma mort future, Affligée et Tombeau sur la mort de Monsieur de Blanrocher, Allemande faite en passant le Rhin dans une barque en grand périlLamento Sopra la dolorosa perdita della Real Maesta di Fernando IV, Lamentation, faite sur la tres douloreuse mort de Sa Majesté Impériale, Ferdinand le Troisième : autant d’œuvres dont la couleur sombre, les accents poignants, douloureux – les images saisissantes aussi, tel cet envol de l’âme vers le paradis en conclusion du Lamento (cf l'extrait ci-dessous) – justifient le titre « Méditation » choisi par l’interprète.

Lamento Sopra la dolorosa perdita della Real Maesta di Fernando IV (ext.)

Beaucoup de mélancolie dans ce récital aux teintes automnales ? Certes – impossible d’ailleurs d’envisager Froberger sans cette dimension – mais aucune uniformité et pas un instant de lassitude à l’écoute d’un disque que J. Wolfs a eu l’excellente idée de ponctuer de pièces plus lumineuses (Toccata II, Canzon II, Toccata IX, Fantasia VI, Capriccio, Ricercar V, Toccata X). Opportunément choisies, elles viennent aérer le programme, ce d’autant que le claveciniste adopte un tempérament différent selon qu’il s’agit de pièces de style français ou italien.

Toccata IX (ext.)

Avec ce qu’il faut de fermeté dans la ligne comme d’abandon dans l’expression, J. Wolfs restitue la profonde poésie de Froberger (il touche une admirable copie du Ruckers de Colmar signée Jean-Luc Wolfs-Dachy). Voyage musical étrange, envoûtant, intensément secret, ce récital est un vrai coup de maître ; puisse son auteur lui apporter rapidement une suite. Et pourquoi ne poursuivrait-il pas chez Froberger - la matière ne fait pas défaut !

Alain Cochard

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(1) 1 CD FLORA 4016 (UVM Distribution), sortie officielle le 20 octobre 2017

(2) On pourra entendre Les Timbres au Festival de Wallonie, le 20 octobre 2017, dans un programme Bach-Buxtehude : www.lesfestivalsdewallonie.be/fr/programme-2017/concerts/284-les-timbres

(3) www.concertclassic.com/article/19e-festival-bach-en-combrailles-renouveau-dans-la-fidelite-compte-rendu

 
Site de l’ensemble Les Timbres : www.les-timbres.com/

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