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Joyce DiDonato en récital au TCE - Tranches napolitaines - Compte-rendu

Ils étaient tous là, fidèles de la première heure, fans, abonnés, touristes et curieux, massés de l'orchestre au paradis pour applaudir la diva du Kansas, Joyce DiDonato, qui inaugurait la nouvelle saison du cycle « Les grandes Voix ». Après Mozart, Rossini, les travestis et les « Drama Queens », la cantatrice s'est penchée sur la création napolitaine de la première partie du XIXème.
 Son nouveau programme propose quelques pages oubliées de Carafa, Mercadante et Pacini dont cette Stella di Napoli créée à San Carlo en 1845, qui a donné son titre à l’album publié chez Erato (1), tandis que Rossini, Bellini et Donizetti sont là pour apporter leur caution et rééquilibrer cet ensemble disparate. Car il faut bien reconnaître que l'intérêt musical de ces ouvrages est bien mince.

A aucun moment l'art de la musicienne n'est à remettre en question, mais comment rendre supportable la cabalette de Stella « Ove t'aggiri » qui ressemble plus à un exercice de vocalises tyroliennes, avec cocottes ad libitum, qu'à un véritable aria censé exprimer la détresse d'une héroïne qui attend des nouvelles de son amant ? Parfaitement chanté, de cette voix saine, pulpeuse et aérienne qui est celle de Joyce DiDonato (bien que sa nouvelle position lui ait fait perdre en grave sans pour autant lui faire gagner en aigu !), la romance de Lucia extraite des Nozze di Lammermoor, opéra de Carafa - élève de Cherubini - composé en 1829 à Paris, «L'amica ancor » est d'une telle pauvreté musicale, génère un tel ennui que l'on doit lutter pour ne pas baisser les yeux. Aussi, dès que retentissent les premiers accords de la romance de Nelly « Dopo l'oscuro nembo » d'Adelson e Savlvini, sur une mélodie que Bellini retravaillera pour l'air d'entrée de Giulietta dans I Capuletti e i Montecchi, un baume voluptueux se répand dans nos oreilles qui ne fait qu'accentuer la différence entre de bons faiseurs et de grands compositeurs.
 
Impression que confirme le final roucoulant de Zelmira (Naples 1822) qui, sans être pourtant la meilleure musique de Rossini, est un festival d'innovation et de trouvailles stylistiques (gammes ascendantes, glissandi, crescendi, gruppetti, trilles) assez sidérantes. Terriblement plate, la prière de Guinia tirée de La Vestale de Mercadante (1840, celle de Spontini date de 1807) n'en finit pas de s'étirer malgré le timbre riche et velouté de la cantatrice, qui dans l'air suivant extrait d'Elisabetta al castello di Kenilworth, premier opéra de Donizetti, puis dans la scène finale de Saffo de Pacini (Naples 1840), rival de Mercadante (défendue en son temps par Gencer et Caballé), essaie vainement de rendre justice à ces morceaux à l'inspiration limitée.
 
A la tête d'un orchestre de l'Opéra de Lyon aux lignes affutées et aux couleurs acidulées, Riccardo Minasi déborde d'énergie et prend le risque d'articuler à l'excès certains passages qui mériteraient un traitement plus économe, notamment pendant l’ouverture de Norma jouée, comme celle d’Alzira de Verdi d’ailleurs, de manière trop clinquante et un rien précipitée.  
En bis, retour à Rossini avec un heureux "Tanti affetti" de La Donna del lago ouvrage créé à Naples en 1819 et avec la reprise de la stretta finale de Zelmira « Deh circondatemi », Joyce DiDonato et son chef évitant l'impossible air d'Adele, issu d' Il Sonnambulo de Carlo Valentini, présenté au disque. Une petite déception, comme vous l’aurez compris, bien vite oubliée tant l’artiste est pleine de talent.
 
François Lesueur
 (1) Avec le Chœur et l’Orchestre de l’Opéra national de Lyon, dir. Riccardo Minasi ( 1 CD Erato – 08256 4633656 2 3 )
 
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 27 septembre 2014

Photo © Pari Dukovic

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