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Jonas Kaufmann en récital au Festival Castell Peralada – En majesté – Compte-rendu
Invité pour la seconde fois par le Festival Castell Peralada, Jonas Kaufmann a remporté un nouveau triomphe avec un Gala Lyrique digne des plus grandes institutions. A l'issue d’une saison magnifique émaillée par trois prises de rôles capitales (1), le ténor munichois a exécuté un concert magistral comme lui seul est aujourd’hui capable d'en proposer.
Qui peut en effet alterner dans la même soirée le spinto verdien et sa délicate écriture vocale, la vaillance exigée par Massenet dans son célèbre Cid, avant de transcender la musique de Wagner qui semble avoir été composée pour lui ? Sa manière d'exprimer le désespoir de Don Carlo dans « Io l'ho perduta », face à un impossible amour, grâce à ce timbre aux couleurs fauves sur lequel passe un camaïeu de nuances, est absolument inoubliable. Pris à un tempo très lent le fameux « Ah si ben mio » du Trovatore, chanté archet à la corde d'une voix à la séduction immédiate, exhale toute l'inquiétante détresse de Manrico, héros verdien par excellence rattrapé quoiqu'il entreprenne par un irrépressible passé.
Entrecoupée par diverses pièces jouées dans l'ensemble assez gauchement par les instrumentistes de l'Orchestre de Cadaquès dirigé comme en 2012, par Jochen Rieder, la grande scène d'Alvaro de La forza del destino, « La vita è un inferno », clôturait brillamment cette partie consacrée à Verdi : piani innombrables, souffle infini, aigu d'airain, dont le dernier attaqué sur un électrisant messa di voce, profusion poétique des accents, tout était réuni pour faire de cet instant un moment d'exception, au cours duquel l'on s'est pris à prier secrètement pour qu'il ne s'interrompe jamais....
Abordé pour la première fois, l'aria du 3ème acte du Cid « O souverain, o juge, o père », pierre angulaire de tout ténor héroïque, interprété dans un français des plus clairs et d'une émission racée, a propagé de perceptibles ondes de plaisir au sein d'une assistance pendue aux lèvres de ce géant, capable de phraser avec élégance et de tenir tête à cette tessiture, sans effort apparent. Lorsque Callas osait avec son infaillible instinct Lucia et Isolde, Leonora et Ophélie (Athènes 1957), le public médusé, applaudissait l'exploit, connaissant les difficultés, mais heureux de les vivre. Pour Jonas Kaufmann passer en seconde partie à Wagner est un défi similaire, car après s'être glissé dans le sillon verdien en en respectant chaque indication, le ténor s'est fondu avec la même virtuosité dans la littérature wagnérienne.
Il trouve tout d'abord tout au long du récit de Siegmund « Ein Schwert verhiess mir der Vater » (Die Walküre) un juste foyer, sans avoir besoin de noircir la ligne ou d'épaissir le trait, projetant d’étourdissants « Wälse » bien au-delà des gradins, s'abandonnant à cette musique qu'il sait faire vibrer et à laquelle il apporte un supplément d'émotion qui n'appartient qu'aux grands, de Melchior à Vickers en passant par Vinay et King.
Malgré un accompagnement incertain, les deux extraits des Wesendonck-Lieder, Schmerzen et Traüme, ont surpris par leur beauté plastique, proche de celle laissée au disque et dirigée par Donald Runnicles (Decca), le monologue de Parsifal, dont l’enregistrement réalisé avec Abbado demeure un must (Decca), touchant au sublime. On a rarement entendu musicien plus impliqué, interprète plus engagé, artiste plus prompt à restituer dans un même élan la puissance et la fébrilité d'un chaste fol éperdu dans sa quête de rédemption.
Pour confirmer son ascendant sur un auditoire en délire, Jonas Kaufmann poursuivait ce marathon vocal avec quatre bis choisis, parmi lesquels un « Donna non vidi mai » de Manon Lescaut, princier, un somptueux lamento de Federico (L'Arlesiana), avant de tirer sa révérence avec un envoûtant « Dein ist mein ganzes Herz » extrait du Pays du sourire de Lehar.
François Lesueur
(1) La Fanciulla del west, La Forza del destino et Manon Lescaut.
Festival Castell Peralada, Espagne, 3 août 2014
Photo © Miquel González
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