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​John Eliot Gardiner dirige l’Orchestre Philharmonique de Radio France – Fête de couleurs – Compte-rendu

Le public peine parfois à reprendre le chemin des salles de concerts ? Celui de l’Orchestre Philharmonique de Radio France ne s’est en tout cas pas fait prier et a répondu en nombre pour l’original programme proposé par John Eliot Gardiner (photo), qui réunissait Chabrier, Stravinsky et Debussy. La Suite pastorale (orchestration par Chabrier de quatre de ses dix Pièces pittoresques, œuvre la plus parfaitement « impressionniste » probablement d’une musique pour piano française qui a vu ce qualificatif utilisé à tort et à travers) et España ouvrent respectivement les première et seconde parties de la soirée.
 
La musique de celui que Vincent d’Indy désignait comme « l’ange du cocasse » est une vieille connaissance pour le maestro britannique (1). Sans doute plus que pour les musiciens du Philhar dont les visages traduisent souvent la surprise, si ce n’est l’étonnement, face aux beautés d’une musique que, trop occupés à explorer d’autres répertoires, ils ont fini par délaisser au fil des ans, y perdant quelques réflexes. On est en tout cas heureux que les retrouvailles s’effectuent sous la conduite d’un Gardiner qui s’attache à éveiller les couleurs de la Suite avant d’emporter España avec une exubérante gourmandise.

Isabelle Faust et John Eliot Gardiner en répétition © Christophe Abramowitz / Radio France

Vieille connaissance aussi pour Isabelle Faust que le Concerto pour violon de Stravinski (1931), manière de réaction du grand Igor à l’esprit du concerto romantique – avec des mouvements aux intitulés très baroques : Toccata, Aria I, Aria II, Capriccio. Enlevé avec une dansante énergie, la Toccata introductive donne le ton d’une interprétation très chambriste, pleine d’interactions entre l’orchestre et une soliste d’une justesse parfaite, d’un jeu incroyablement précis — mais jamais sec, ni pète-sec. Difficile de ne pas céder au lyrisme et à la subtilité des coloris que la violoniste et chef déploient dans les deux sections lentes, avant le lumineux et heureux surgissement du finale. Passagio rotto & Fantasia de Nicola Matteis en bis : noblesse, pureté à couper le souffle ...
 
Avec Khamma, les Images (1905-1912) demeurent l’une des deux grandes réalisations symphoniques de Debussy mal aimées des programmes de concert, sort bien injuste pour une musique extraordinaire de liberté. Sans doute manque-t-il ici un peu d’ombres et d’ambiguïté dans les Gigues initiales, mais Ibéria et les Rondes de printemps séduisent par leur foisonnement et leur relief (que de merveilles de la part de l’harmonie ! ), même si l’acoustique de l’auditorium tend parfois à surexposer quelque peu cuivres et timbales.

Un programme que le public de l’Opéra de Dijon aura pu retrouver dès le lendemain.
 
Alain Cochard

(1) Gardiner, à qui l’on doit une irremplaçable version de L’Etoile (EMI) et une séduisante anthologie symphonique avec le Philharmonique de Vienne (DG)
 
Paris, Maison de Radio France, Grand Auditorium, 23 septembre 2022
 
Photo © Christophe Abramowitz / Radio France
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