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​Johannes Pramsohler et l’Ensemble Diderot au Festival du Périgord Noir – Les Quatre Saisons ... que vous ne connaissez pas !

Le violoniste et chef Johannes Pramsohler (photo) et son Ensemble Diderot feront l’objet de toutes les attentions fin septembre puisqu’on les retrouvera – en effectif élargi – à Paris, à l’Athénée, pour la création scénique française du Crésus de Keiser (1) dans une mise en scène de Benoît Bénichou. Pour l’heure, au 38e Festival du Périgord Noir une autre rareté, instrumentale celle-là, occupe les Diderot : les Quatre Saisons de Giovanni Antonio Guido.
 
Travailler sur un son commun
 

Ce choix de répertoire s’inscrit dans la lignée de ceux, souvent très originaux, que Johannes Pramsholer effectue avec ses trois partenaires : Roldán Bernabé (violon), Gulrim Choï (violoncelle) et Philippe Grisvard (clavecin). A eux quatre, ils forment le noyau dur d’un ensemble qui souffle ses douze bougies cette année. 2008 : « j’avais envie de créer un groupe qui se consacre uniquement à la musique de chambre et à la forme reine en ce domaine au XVIIIe siècle : la sonate en trio (2), se souvient J. Pramsohler ; un groupe travaillant tous les jours, à la façon d’un quatuor à cordes moderne, sur un son commun, sur une manière personnelle d’interpréter cette musique. »
 

L'Ensemble Diderot (de g. à dr. : Philippe Grisvard, Gulrim Choï, Roldán Bernabé & Johannes Pramsohler ) © Alexandre Ah Kye
 

Une cartographie de la sonate en trio
 

« Comme notre nom l’indique, poursuit le violoniste, au début nous nous sommes principalement orientés vers la musique française (Leclair, Mondonville, Philidor ...) mais, en travaillant ce répertoire nous avons éprouvé le besoin de remonter aux sources de la sonate en trio et de nous tourner vers ses origines italiennes au début du XVIIe siècle. Ce désir d’embrasser le répertoire dans son ensemble nous a aussi conduit à nous intéresser à des ouvrages tardifs. »
« Sans en avoir eu vraiment le projet au commencement, nous nous rendons compte que nous sommes en train de réaliser une véritable cartographie de la sonate en trio en Europe, cartographie à la fois chronologique et géographique, comme l’illustrent trois de nos enregistrements, bâtis respectivement autour de Dresde, Londres et Paris » (3).
 

(1 CD Audax - ADX 13724)
 
L’Opus 4 de Leclair, une certaine idée de la perfection

 
Ces disques (qu’un « Berlin Album » complètera d’ici peu) comptent parmi les plus beaux d’une importante discographie (chez Audax, le propre label de l’ensemble), forte de près d’une trentaine de références déjà, dont la dernière en date consiste en une version des Sonates en trio op. 4 de Jean-Marie Leclair, admirable de maîtrise et d’épure. Le compositeur français est particulièrement cher à l’Ensemble Diderot et l’accompagne depuis sa fondation. « Nous jouons très souvent la Sonate en ré mineur op. 4 n° 3, note J. Pramsohler ; Leclair est l’un des plus grands violonistes français et, plus largement, l’un des plus grands violonistes de la période baroque. C’est avec des auteurs tels que Leclair ou Couperin que l’on parvient vraiment aux « goûts réunis ». L’Opus 4 ne présente pas la virtuosité que l’on trouve dans les sonates pour violon(s), mais Leclair y parvient à une forme très classique, d’une grande perfection – on pourrait être tenté de faire le rapprochement avec Haydn et le quatuor à cordes, ou avec l’art de Corelli –, perfection qui nous intéresse beaucoup en tant qu’ensemble constitué car elle nous fait travailler non pas sur la virtuosité individuelle mais sur la cohérence du groupe. »
 

Le poème relatif à L'Eté de G. A. Guido © DR

Les Stagioni de Guido au Festival du Périgord Noir
 
L’Ensemble Diderot aime à explorer et faire découvrir des partitions méconnues : ce sera le cas le 6 août, lors de la soirée inaugurale du Festival du Périgord Noir. En musique, on a pris l’habitude d’associer les saisons à Antonio Vivaldi, mais c’est une illustration ô combien plus originale que nous nous en propose Pramsohler et ses musiciens : les Scherzi armonici sopra le Quattro Stagioni dell’anno de Giovanni Antonio Guido (vers 1675-1680 - vers 1729).
Si les dates de ce musicien, d’origine génoise semble-t-il, sont imprécises, son succès chez nous à partir du tout début du XVIII siècle est parfaitement documenté. « Guido faisait partie des musiciens italiens qui travaillaient chez le duc d’Orléans, un important foyer pour la musique italienne en France, rappelle Johannes Pramsohler. »
 
Ses Stagioni furent publiées à Versailles en 1728, mais leur composition pourrait être bien antérieure. On sait en effet que Guido connaissait le financier Antoine Croizat et qu’il pourrait les avoir écrites vers 1717, juste après que le mécène eut fait décorer sa salle à manger par Antoine Watteau sur le thème ... des saisons !
Scherzi armonici : « Guido offre une combinaison originale, précise J. Pramsohler, et a écrit pour trois violons – qui jouent vraiment sur un pied d’égalité – et basse continue. La musique s’inspire de poèmes anonymes, beaucoup plus longs que ceux que l’on trouve chez Vivaldi. Quand ce dernier décrit des situations très précises, Guido exprime plutôt des sentiments, des sensations – partagés par les trois violons. D’une durée d’environ une heure au total, ses Stagioni mêlent des mouvements très concertants, à la manière italienne, et des mouvements de danse, qui attestent l’influence de la musique française ; le résultat est très harmonieux.»
Trois violons : pour le concert au Périgord noir (programme doublé, à 18h et 21h, à l’Abbaye de Saint-Amand-de-Coly), J. Pramsohler et Roldán Bernabé auront pour complices des collaborateurs réguliers de l’Ensemble Diderot : le violoniste britannique Simone Pirri, mais aussi Eric Tinkerhess (violoncelle), François Leyrit (contrebasse) et Benoît Babel (clavecin). 
 
Aux sources de la sonate en trio avec Salomone Rossi

 
L’Ensemble Diderot n'envisage pas d'enregistrer les Stagioni de Guido, mais l’un de ses prochains projets discographiques se fera toutefois à trois violons avec un choix de sonates pour cet effectif, de Purcell à Farina et Dornel.
On reviendra en temps voulu sur le Crésus (une production de l’Arcal) qui fera l’événement du 30 septembre au 10 octobre en ouverture de la magnifique saison musicale de l’Athénée. Pour rester et conclure sur le domaine instrumental, signalons dès à présent l’unique concert que l’Ensemble Diderot donnera à l’auditorium du Musée d’art et d’histoire du judaïsme à Paris, le 1er octobre : un programme autour de Salomone Rossi (1570-1630), le père de la sonate en trio.
 
Alain Cochard
(Entretien avec Johannes Pramsohler réalisé le 10 juillet 2020)

 
(1) www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/cresus.htm
 
(2) Forme née en Italie au début du XVIIe siècle, destinée à deux instruments mélodiques et basse continue
 
(3) « The Dresden Album » (ADX 13701), « The London Album » (ADX13718), « The Paris Album » (ADX13717), « The Berlin Album » (parution 16 oct. 2020) // www.audax-records.fr/
 
Ensemble Diderot
Œuvres de Guido
6 août 2020 – 18h et 21h
Festival du Périgord Noir – Abbaye de Saint-Amand-de-Coly
festivalmusiqueperigordnoir.com
 
 
Site de l’Ensemble Diderot / Johannes Pramsholer : http://ensemblediderot.com/fr/
 
Photo © Paul Foster-Williams
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