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Jean Thorel, un chef à suivre

Nul n'est prophète en son pays, dit le célèbre adage… Il pourrait s'appliquer au chef Jean Thorel, que le public français ne connaît pas assez alors que l'artiste est couvert d'éloges par la critique d'autres pays européens (au Danemark en particulier).

Le milieu musical n'ignore pas pour autant cette talentueuse et découvreuse baguette et l'on rappellera qu'en 2002 l'Académie du Disque Lyrique a décerné à Jean Thorel un Orphée d'or pour un CD Louis Saguer (le seul de ce compositeur disponible à ce jour au catalogue français), tandis qu'en 2003 la même institution lui accordait une mention spéciale pour un CD Sikora (1).

Forte d'une douzaine de références, la discographie de Jean Thorel accorde une large place à la musique contemporaine. Tout juste paru chez Dacapo, un programme Tage Nielsen (1929-2003) dans lequel le chef français dirige l'Aarhus Symphony Orchestra et l'Arhus Sinfonietta donne un excellent aperçu de la maîtrise et de l'intelligence sensible avec lesquelles il aborde la musique d'aujourd'hui. Puisse les "décideurs" de la vie musicale française l'écouter et prendre la mesure de l'artiste qui s'y exprime !

C'est déjà le cas pour certains et il convient de rendre hommage à l'Orchestre Philharmonique de Nice qui a réservé un concert de sa saison à Jean Thorel. Ce dernier ne manque pas de se réjouir de "la totalité liberté accordée par les responsables de l'orchestre pour le choix des oeuvres. Comme je le fais tout le temps, précise-t-il, j'évite les partition rabâchées et je mets l'accent sur la musique française" Avec la Ballade pour piano de Fauré ( avec David Kadouch en soliste), le Concerto pour percussions de Milhaud, le Chant du Vietnam de Tomasi et Ma Mère l'Oye de Ravel, Jean Thorel offre un bel exemple du type de programme qu'il affectionne. La Ballade et Ma Mère l'Oye, deux œuvres connues - quoique l'ouvrage de Fauré ne soit pas si souvent donné en concert -, encadrent deux raretés que le chef s'enthousiasme de pouvoir défendre."

Le Concerto pour percussions (1929-1930) de Milhaud, remarque-t-il, est le premier ouvrage du genre jamais écrit. L'orchestration se révèle très singulière (cordes, 2 flûtes, 2 clarinettes, 1 trompette, 1 trombone et les percussions) dans cette partition de circonstance écrite à la demande de Théo Coutelier, un artiste belge professeur de percussions. Milhaud tire partie de l'orchestration réduite avec beaucoup d'originalité, il évite toute influence du jazz et signe une composition très condensée et cohérente". Quant au Chant pour le Vietnam d'Henri Tomasi, il constitue de l'avis de Jean Thorel "l'un des deux chefs d'œuvre de l'artiste avec la Symphonie du Tiers-Monde." Conçu sur un texte de Sartre, le Chant pour le Vietnam fait appel à six percussionnistes. "Il s'agit, explique Jean Thorel, d'une œuvre écorchée vive, parsemée d'indications très réalistes ("Alerte", "Ronronnement de moteur", etc.), mais qui ne cède pas à la facilité d'une musique simplement descriptive."

Jamais enregistrée, cette partition sera avec celle de Milhaud l'autre découverte du concert niçois de Jean Thorel. Quant à sa proximité avec la féerie de Ma Mère l'Oye, le chef la justifie par le " sens particulièrement aigu, raffiné et efficace de l'orchestration" qui unit Ravel et Tomasi.

Alain Cochard

Orchestre Philharmonique de Nice, dimanche 20 février à 11h

(1) Edité au Chant du Monde, tout comme le CD Saguer

Photo : DR
 

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