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Jean Rondeau aux 25ème Flâneries Musicales de Reims – Clavecin poète – Compte-rendu

jean rondeau

La diversité c’est la vie ! Au lendemain d’une soirée inaugurale à la Basilique Saint-Rémi occupée par le Requiem de Verdi sous la baguette de Jacques Mercier, les 25èmes Flâneries Musicales de Reims changeaient complètement de répertoire avec un récital de Jean Rondeau (23 ans), dans le cadre de l’église Saint-Nicaise du Chemin Vert - un étonnant bâtiment inauguré en 1924, avec des vitraux signés Lalique (1) et des peintures de Maurice Denis entre autres.

1er Prix des Concours de Bruges et du Printemps de Prague en 2012, le claveciniste a déjà fait parler de lui, que ce soit en soliste (il a participé au grand cycle Bach de la Cité de la musique en début d’année) ou en compagnie des membres de son excellent ensemble Nevermind. Pendant plus de dix ans, la grande Blandine Verlet a prodigué ses conseils à son jeune collègue : le résultat est là, fabuleux de poésie, de musicalité et de fantaisie bien comprise. L’imagination est aussi foisonnante que la tignasse !

Bach et quelques Rameau forment un programme qui souligne toutes ces qualités. Dès l’attaque du Prélude de la 2ème Suite pour luth en ut mineur on est autant frappé par la concentration du propos que par la tendresse avec laquelle la ligne est conduite. Jean Rondeau sait où il va ; on le suit avec bonheur (superbe Fugue !) jusqu’à l’enivrante, mais nullement démonstrative, giration du Double conclusif. Puis vient l’arrangement de la Chaconne de la 2ème Partita pour violon de Bach que l’interprète a réalisé à partir de la transcription pour la main gauche de Brahms. Arrangement à deux mains, mais parfaitement fidèle à la démarche de Brahms qui cherchait à préserver la pureté et l’élan du mouvement de l’archet et à ne pas surcharger la musique de fanfreluches virtuoses. Sous les doigts du claveciniste, la construction de la pièce s’impose, sans ostentation et avec une totale évidence poétique

La formule vaut autant pour les quatre extraits de la Suite en la mineur de Rameau (Allemande, Courante, Sarabande, Les trois mains). « L’immense apport de Rameau est ce qu’il sut découvrir de la « sensibilité dans l’harmonie » », remarquait Claude Debussy : tout l’art de Jean Rondeau est de nous le donner à ressentir. L’applaudimètre ne trompe pas : le public aura été littéralement charmé par un jeu incroyablement varié, dénué de toute afféterie et d’un naturel confondant. Vivement un disque Rameau ! (2)

A son ancien professeur d’écriture, Stéphane Delplace, Jean Rondeau a commandé un arrangement de la Partita en la mineur pour flûte solo de Bach et le joue pour la première fois en public à l’occasion de son récital rémois. Réalisation subtile qui se veut toujours écrin respectueux de l’original ; l’interprète la restitue avec un tact et une vitalité rythmique admirables. Rythme, sens de la pulsation : la pratique du jazz (3) n’est évidemment pas étrangère à ce que le claveciniste donne à entendre. Pêchu mais aucunement heurté dans ses mouvements vifs, le Concerto italien en apporte une dernière illustration. Quant à la douceur légèrement implorante qui nimbe le chant de l’Andante, elle dit à quel poète on a affaire…

Etre un grand claveciniste et… s’appeler Rondeau par dessus le marché : la vie est parfois franchement bien faite !

PS En bis, une irrésistible Poule de Rameau qui sait voir au-delà des caquètements.
 
Alain Cochard

(1) Des copies de ceux-ci sont actuellement en place, en attendant la restauration des originaux pour laquelle une association œuvre (« Les Amis de Saint-Nicaise du Chemin Vert », 8 rue Lanson, 51100 – Reims)

(2) Un CD Bach est en préparation chez Erato. On l’attend impatiemment !

(3) Egalement pianiste, Jean Rondeau est le fondateur du groupe de jazz Note Forget ( vainqueur des Trophée du Sunside en 2012)

Reims, église Saint-Nicaise, 20 juin 2014

25ème Flâneries Musicales de Reims, jusqu’au 19 juillet 2014 : www.flaneriesreims.com

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