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Jean-Philippe Collard à la Salle Colonne - Du piano, autrement - Compte-rendu


Inventée à l’époque romantique par un certain Franz Liszt, la formule du récital de piano perdure, pour le meilleur, et pour le pire dans certains cas ; avec son caractère très codifié, des programmes parfois interminables et mal ficelés – car c’est tout un art que d’en bâtir un … –, sans parler de ces fracs fatigués et nœuds pap patibulaires qui mériteraient de faire valoir au plus vite leurs droits à la retraite… Que de jeunes interprètes éprouvent l’envie d’échapper à ce rituel figé et muet, vestimentairement mais aussi en s’adressant au public – en général ravi de la démarche si elle conjugue simplicité, concision et pertinence -, est la chose la plus compréhensible qui soit.

Et elle n’est pas seulement le fait d’artistes de la nouvelle génération. Jean-Philippe Collard le prouve depuis un moment dans la salle Colonne rénovée, avec une série de concerts en une partie où la soirée prend l’allure d’une rencontre amicale entre l’interprète et son auditoire. Tous les lieux ne sont pas adaptés à l’exercice ; celui-ci, avec ses 200 places environ, est idéal.

En costume de ville, le pianiste rejoint l’instrument. Un des Préludes op 11 de Scriabine en guise de mise en bouche, puis quelques mots de bienvenue comme si J.P. Collard recevait chez lui. Deux Etudes op 8 (/11 et 12) du Russe, amples et richement timbrées, qui montrent combien le pianiste a évolué, combien sa palette sonore s’est élargie au fil du temps. On le rattache beaucoup au répertoire français, qu’il adore, il fait part de son amour pour la musique de Scriabine… et attaque une 4ème Sonate pleine de fièvre !

Liszt demeure toutefois le fil conducteur de la série. La Mort d’Isolde déploie son chant sur une progression dramatique souverainement maîtrisée, avant la Sonate en si, ouvrage systématiquement repris dans chaque concert. Pour la 16ème fois (!) en moins de trois semaines, Collard s’y lance avec un engagement, une autorité et un relief qui donnent tout son sens à la formule « grand poème symphonique pour piano » utilisée durant son mot de présentation. 

En bis trois préludes de Chopin, accompagnés de Rimbaud, Lamartine et Nerval, dits par Patrick Poivre d’Arvor, ami de longue date du pianiste et « invité surprise ».
21h 30 : on quitte le 94 boulevard Blanqui rassasié par un beau moment de musique et avec la soirée devant soi… Vive les concerts en une partie !

La série lancée par Jean-Philippe Collard fera-t-elle des émules ? Une petite salle, à l’écart des grands circuits… Tiens, on verrait bien un certain Duchâble se prenant au jeu.

Alain Cochard

Paris, Salle Colonne, 5 mai 2011 (derniers récitals les 10 et 11 mai à 20h)

www.sallecolonne.com

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Photo : Raudel Romero

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