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Janine Jansen, Sir Antonio Pappano & le London Symphony Orchestra à la Philharmonie de Paris - Des ombres à un tableau de rêve – Compte rendu

À la suite des Berliner, du Gewandhaus Leipzig, de la Scala de Milan et de l’Orchestre de Paris, qui nous ont récemment rappelé ce que l’expression « superbe lancement de saison » voulait dire, c’était au tour du London Symphony Orchestra d’investir la Philharmonie de Paris. Avec Sir Antonio Pappano à la direction, deux symphonies (dont la cultissime Cinquième de Beethoven) et Janine Jansen pour nous faire redécouvrir le Concerto pour violon de Britten, qui pouvait prédire que nous resterions sur notre faim ?
Manque d’ardeur
Certes, pas de plantage monumental, ni de partis pris musicaux à hérisser le poil des puristes. Mais plutôt une succession de petites déconvenues et une direction inégale, ce qui finit par perturber. La soirée s’ouvre par la Neuvième Symphonie de Chostakovitch, un choix surprenant lorsque l'on pense à la gêne du public lors de la création en novembre 1945, l'œuvre étant tout sauf l'apothéose attendue. Bis repetita en 2025. Mais cette fois-ci, c’est le manque d’émulation et d’ardeur de l’orchestre qui empêche l’Opus 70 de trouver un véritable élan. Il n’en ressort alors qu’une modeste espièglerie et des intentions qui ne permettent pas de trouver la verdeur requise en ouverture d’un tel programme. On se contente donc des superbes solos de clarinette, de flûte et de basson, et des interventions de cuivres wagnériens.

Maîtrise sans ostentation
Dans le Concerto pour violon de Britten, Janine Jansen est là où on l’attend. Et c’est une excellente chose, car la pièce, dont la récurrente obscurité rappelle son contexte de composition, à l’orée de la Seconde Guerre Mondiale, aurait souffert d’une surinterprétation virtuose. La violoniste néerlandaise brosse les contours d’un discours complexe, envoûte par ses aigus cristallins et fait montre d’une parfaite maîtrise technique pour jouer chaque intention à fond, mais sans ostentation. Les contrastes attirent l’attention, surtout lorsque la ligne mélodique passe à l’orchestre et que le motif rythmique est confié au violon. Le Moderato et le Vivace pâtissent malheureusement d’un déséquilibre sonore : l’orchestre absorbe les traits de la soliste. On se réjouit donc d’entendre Janine Jansen seule dans son bis (la Sarabande de la Partita en ré mineur de Bach), gentiment « débarrassée » de l’orchestre qui l’a pourtant accompagnée avec une vitalité remarquable.
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© Mark Allan
Décevante Cinquième
La Cinquième Symphonie de Beethoven, pinacle annoncé de la soirée, est sans doute la véritable désillusion. Le mythe construit autour de cette œuvre (ou de ses quatre première notes) semble avoir convaincu Sir Antonio Pappano de laisser la magie opérer toute seule, mais cela ne suffit pas. Dans le premier Allegro, les cordes manquent de tranchant, les détails s’émoussent alors que la petite harmonie se montre redoutablement efficace. Dans la ligne mélodieuse du deuxième mouvement ressurgit l’admirable couleur du London Symphony Orchestra, avant qu’une certaine lourdeur et des basses à la limite du grossier ne reprennent le dessus. On saluera en revanche l’énergie des violoncelles et des contrebasses qui redynamise l’ensemble. Le chef multiplie les gestes additionnels, rarement directifs, et ignore la plupart des pianissimos : la symphonie manque dès lors cruellement de relief – chose d’autant plus frustrante que dans le bis, la Valse Triste de Sibelius, la phalange finira par atteindre les nuances les plus extrêmes. Il faut donc attendre le finale de la Cinquième pour que la vitalité et le grandiose beethovénien reprennent leur pleine mesure, mais on préférera un « bravo » contenu à un « hourra » exalté.
Antoine Sibelle

Philharmonie de Paris, lundi 22 septembre 2025
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