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Interview - Magali Léger, l’éclectique

Très présente dans l’actualité musicale de ce début d’année, la soprano Magali Léger vient de signer un disque Fauré aux côtés de Michael Levinas(1). On la retrouve par ailleurs en concert avec Les Paladins de Jérôme Corréas à la Cité de la musique, le 29 avril, dans un programme Marais-Purcell-Grétry et elle incarne enfin la Clara de Porgy and Bess à l’Opéra de Lyon, à partir du 17 mai, dans la production attendue du tandem Montalvo-Hervieu.

Alain Cochard : Vous venez d’enregistrer Fauré avec Michaël Levinas. La mélodie française est une chose nouvelle dans votre parcours ; comment avez-vous été amenée à vous y intéresser ?
Magali Léger : En préparant ce disque, je me suis rendu compte que Fauré figure parmi les choses que l’on travaille le plus au Conservatoire, mais finalement, en concert comme au disque, il demeure relativement rare. J’ai eu l’occasion de faire de la musique française avec Michaël Levinas l’été dernier dans un festival ; cette rencontre a été un vrai coup de foudre musical pour moi et j’ai ainsi retrouvé Fauré, un compositeur que je n’avais pas abordé depuis mes études. Michaël adore le langage fauréen et nous avons eu envie de prolonger notre rencontre par un disque.

Alain Cochard : Le fait d’aborder aujourd’hui Fauré est-il le signe que votre parcours franchit un cap ?
Magali Léger : Tout à fait. J’ai commencé ma carrière en faisant beaucoup de scène et d’opéra. Maintenant que suis dans la trentaine, je franchis un palier. Le récital m’avait toujours un peu impressionnée du fait de la proximité qu’il suppose avec le public. Grâce à l’aide de Michaël, à l’écrin qu’il a su créer, j’ai découvert que c’est une chose que j’aime beaucoup. Travailler à deux, créer un climat, une intimité avec le public est une chose très intéressante.

Alain Cochard : J’imagine que le choix de Fauré correspond aussi à une évolution de votre voix ?
Magali Léger : Avec le temps et le travail, ma voix a en effet changé. Elle a gagné en corps, en couleurs et, avec le bagage dont je dispose aujourd’hui, je me sens prête à aborder une musique telle que celle de Fauré. Psychologiquement, je me sens plus forte pour arriver à transmettre ce répertoire qui demande une recherche dans les harmonies, dans les couleurs, dans la manière de se fondre avec un piano. En même temps, avec Michaël, nous nous sommes beaucoup laissé porter par l’instinct. Dès la première lecture, il y avait pratiquement tout ce que nous avons voulu mettre dans le disque. Nous avons essayé de recréer cet intimisme que Fauré aimait tant quand, dans les salons, il accompagnait des chanteurs amateurs. J’ai lu beaucoup de choses à propos de Fauré et trouvé des lettres où il dit qu’il déteste les chanteurs professionnels parce qu’ils « extériorisent trop ». Il appréciait beaucoup en revanche la clarté et la simplicité des amateurs.

Alain Cochard : Ce doit être une expérience passionnante que d’être accompagnée par un pianiste doublé d’un compositeur tel que Michaël Levinas ?
Magali Léger : Complètement ! Je me souviens d’un jour où j’étais fatiguée et ne pouvais pas vraiment chanter. Nous avons pris la partition et Michaël a analysé toutes les mélodies que nous avions à interpréter. Il les a jouées en m’expliquant tout le cheminement harmonique d’une façon très simple, sans entrer dans un cours d’analyse. Ça m’a ouvert des horizons nouveaux, sans chanter mais en me plongeant grâce à lui au cœur de l’univers fauréen.

Alain Cochard : Votre répertoire témoigne d’un bel éclectisme, avec toutefois une place importante réservée au baroque, on en aura un exemple prochainement lors de votre concert à la Cité de la musique, le 29 avril avec l’ensemble Les Paladins de Jérôme Corréas. Ce répertoire vous a-t-il attirée dès le départ ?
Magali Léger : A l’époque du Conservatoire, j’ai eu l’occasion de l’aborder dans le département de musique ancienne avec Emmanuelle Haïm. Nous avons gardé des liens et je continue à donner des concerts avec elle et Le Concert d’Astrée. Nous avons fait des concerts à New York, nous avons des projets en Espagne, etc.
Le baroque a été présent dès la période de mes études, mais sa place s’est accrue ces derniers temps. Il s’agit d’une musique extrêmement théâtrale ; on y exploite une palette de sentiments très vaste, on y cherche des couleurs dans la voix extrêmement différentes de ce qui se pratique dans le bel canto.

Alain Cochard : Pour rester dans le domaine baroque, vous participer également à l’Ensemble Rosasolis(2). Quel est l’origine et l’orientation de cette formation de chambre ?
Magali Léger : Rosasolis est constitué de musiciens que je connais, pour certains d’entre eux, depuis le Conservatoire. Il s’agit d’une petite famille. Chacun d’entre nous à ses activités propres et nous nous retrouvons depuis quelques années pour des concerts où la musique de Haendel occupe une place importante. L’enregistrement d’un CD Haendel est d’ailleurs prévu pour cet été.

Alain Cochard : Autre manifestation de votre éclectisme, le rôle de Clara dans Porgy and Bess de Gershwin(3) vous attend sur la scène de l’Opéra de Lyon à partir du 17 mai…
Magali Léger : C’est un retour à mes premières amours. Gershwin et Bernstein m’ont en fait amenée à l’opéra, car ce que j’aimais au départ c’était la comédie musicale. Je suis heureuse de retourner à l’Opéra de Lyon, la maison où j’ai débuté.
Je ne peux pas vous dévoiler la mise en scène, mais je trouve très original de monter cette œuvre, souvent présentée de manière un peu ringarde, avec des chorégraphes aussi modernes que Montalvo et Hervieu, dont je connais le travail mais avec lesquels je n’avais jamais encore eu le plaisir de collaborer. »

Propos recueillis par Alain Cochard

(1) 1 CD M&A JS 226. La Bonne Chanson, op 61/ Vingt Mélodies, Deuxième Recueil / Après un rêve.
(2) http://rosasolis.free.fr/
(3) http://www.opera-lyon.com

Réservations Cité de la musique

Réservations Opéra de Lyon

Vidéo de Michaël Levinas

Photo : DR
 

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