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Installation de Carolyn Carlson à l’Académie des Beaux-Arts – Une chorégraphe revêt l’habit mythique

 

 

L’Académie va en prendre l’habitude ! Les danseurs-chorégraphes s’y installent en force, et cette fois, c’est au tour de Carolyn Carlson d’y intégrer son fauteuil, deux ans et demi après son élection le 2 décembre 2020. La Coupole, heureusement, sera assez haute pour accueillir cette silhouette longiligne, celle de la grande dame blanche, qui depuis un demi-siècle, agite ses bras immenses, battant comme les ailes d’un moulin, sur d’innombrables scènes mais particulièrement sur les françaises. Américaine, certes mais portant sur elle les stigmates un peu austères d’une filiation finlandaise, Carlson est de ces quelques femmes qui ont imprimé leur marque sur la danse du XXe siècle, d’Isadora Duncan à Mary Wigman, et de Martha Graham à Pina Bausch. Sans pour autant faire école.

Venue du monde d’Alwin Nikolaïs, le grand maître des lumières et d’une danse abstraite, telle un kaléidoscope, elle a insufflé son âme à d’étranges déambulations, où, souvent en solo, elle semblait par son extrême mobilité répétitive, atteindre à une sorte d’immobilité. A Paris, elle fascina, et fut à l’origine de la création du GRTOP, un groupe un peu sécessionniste au sein de l’Opéra.  Elle fit quelques disciples. Puis, les besoins d’expression des danseurs changèrent, tandis qu’elle s’enfonçait dans son intellectualité gestuelle, passant de compagnie en compagnie dont elle prenait la direction, et aujourd’hui, encore à la tête de la sienne. Avec à son actif, une centaine de chorégraphies, dont certaines sont majeures.

Elle était fort belle, aujourd’hui elle reste grande, passée de sa séduction nordique à la silhouette émaciée de quelque Giacometti. On imagine la classe qu’elle confèrera à un habit mythique, tandis que son épée, faite de bambou, portera sur sa garde la forme d’un gros coquillage, avec un pommeau d’aventurine. Et on sera heureux de revoir à Paris une de ses pièces maîtresses, Signes, sorte de fresque abstraite sur le fond des décors du grand Olivier Debré : une œuvre créée en 1997, et que l’institution reprend en juin 2023, ce qui coïncidera avec ses 80 ans. Vraie calligraphie du mouvement, ce qui est logique, car la dame manie aussi le pinceau avec talent et passion.
 

Jacqueline Thuilleux

Installation à l’Académie des Beaux-Arts, le 15 juin 2022.
Signes — Paris, Opéra Bastille, du 21 juin au 16 juillet 2023. www.operadeparis.fr
 
Photo © Agathe Poupeney

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