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Il Mondo della luna de Haydn au Conservatoire National Supérieur de Paris – Un voyage plein de promesses – Compte-rendu

Le mélomane l’oublie parfois (ou l’ignore tout simplement) : à quelques pas de la suractive Philharmonie, le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris propose lui aussi un riche programmation, in situ et hors-les-murs, qui permet d’entendre beaucoup d’étudiants du CNSMDP– dans le cadre de rendez-vous en entrée libre ou à tarifs très modiques – et de faire la découvertes de jeunes artistes en fin d’études.
On ne prend guère de risque en affirmant qu’on entendra vite reparler de ceux qui formaient la distribution du Mondo della luna (1777), opéra de Joseph Haydn donné dans la salle Rémy-Pflimlin. Les ouvrages lyriques de l’Autrichien sont trop rares à l’affiche et le bonheur aura été d’autant plus grand de goûter à celui-ci qu’il était remarquablement défendu, sur scène comme en fosse.
De g à dr : accroupis : Madeka Monnet (Flaminia) et Riccardo Romeo (Ecclitico) / debout : Brenda Poupart (Lisetta), Kaëlig Boché (Cecco), Lise Nougier (Ernesto), Edwin Fardini (Buonafede) & Mariamielle Lamagat (Clarice) © Ferrante Ferranti - CNSMDP

Inspiré de Carlo Goldoni, le dramma giocoso du maître d’Esterhaza narre les mésaventures de Buonafede, un être fasciné par la lune et entouré de trois femmes, Clarice et Flaminia, ses filles, et Lisetta, sa femme de chambre. Flairon le pigeon, le malin professeur Ecclitico promet un voyage sur l’astre de ses rêves au crédule Buonafede et ..., hop !, une bonne dose de somnifère vient créer l’illusion ! Le stratagème permettra à plusieurs affaires de cœur – et de dot ! – de se conclure car Ecclitico a des vues sur Clarice, le chevalier Ernesto sur Flaminia, et Cecco, serviteur d’Ernesto, sur Lisetta. Autant d’unions auxquelles Buonafede, point rancunier, apporte sa bénédiction lors du retour sur terre de l’acte III.
 

Edwin Fardini (Buonafede) © Ferrante Ferranti - CNSMDP

Le metteur en scène Marc Paquien est un habitué du travail avec les jeunes chanteurs – on l’a déjà vu à l’œuvre au temps de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris pour le Mariage secret et L’Heure espagnole. Dans une scénographie aussi simple que bien conçue d’Alain Lagarde, avec des lumières (plus quelques opportuns emprunts à Méliès et à de bien inoffensifs films érotiques en noir et blanc) et des costumes très réussis, de Pierre Gaillardot et Lili Kendaka respectivement, il signe un spectacle vivant, rythmé, drôle et touchant, porté par l’engagement et l’énergie d’interprètes pleinement investis.

On savait les qualités vocales et l’intelligence musicale du baryton Edwin Fardini depuis un merveilleux récital à l’Athénée au côté de Tanguy de Williencourt.(1) La preuve vient d’être donnée que ces atouts vont de pair avec un exceptionnel tempérament scénique. Loin de toute caricature, de tout simplisme benêt, il apporte à Buonafede une naïveté joyeuse et plus de complexité qu'on n'en attend a priori de ce rôle ; ce qui lui vaut un succès amplement mérité aux saluts. Au Conservatoire de Paris depuis 2017, le beau ténor Riccardo Romeo a été contact très jeune avec l’univers de la scène (au théâtre d’Augsbourg, sa ville natale). Dès lors on comprend mieux l’aisance et la présence qu’il montre pour un Ecclitico rusé, mais qui se garde d’en faire des tonnes. Kaëlig Boché, Révélation classique de l’Adami en 2017, confirme les espoirs que l’on a placés en lui. D’une voie rayonnante, impeccablement projetée, le ténor assume à la perfection la métamorphose de Cecco, de serviteur en ... empereur de la lune !

Madeka Monnet (Flaminia), Mariamielle Lamagat (Clarice) & Brenda Poupart (Lisetta) © Ferrante Ferranti - CNSMDP

Côté féminin, les sopranos Mariamielle Lamagat (Clarice) et Makeda Monnet (Flaminia) abordent leurs rôles avec des voix bluffantes d’agilité, de souplesse, de facilité –  et de justesse ! – dans l’aigu et un jeu scénique accompli. Belle incarnation aussi pour Brenda Poupard, Lisetta d’un piquant irrésistible. Traqueuse sur les vocalises de son air du I le soir de la première, Lise Nougier (Ernesto) se rattrape ensuite, trouvant l’aisance pour traduire la noblesse et la sensibilité de son personnage. Thibaud Dhilly, Noé Rollet et Basil Belmudes tiennent quant à eux, excellemment, les parties du chœur.

Quelle chance pour les protagonistes de ce Mondo della luna d’avoir pu travailler avec un chef tel que Tito Ceccherini ! Dès l’ouverture, sa preste baguette apporte un allant et une pulsation qui perdurent tout au long de la représentation. Les jeunes instrumentistes de l’Orchestre du Conservatoire (Sarah Jegou au violon solo) forcent l’admiration par le relief, le tonus et les couleurs d’une exécution stylée. Ils disposent il est vrai du guide idoine en la personne du maestro italien.
 

Alain Cochard
 
(1) www.concertclassic.com/article/edwin-fardini-et-tanguy-de-williencourt-lathenee-simplicite-et-emotion-compte-rendu
 
Haydn : Il Mondo della luna – Paris, CNSMDP (salle Rémy-Pfimlin), 11 mars ; prochaines représentations le 15 ( à 14h30, scolaires uniquement) et le 16 mars (19h) 2019 // www.conservatoiredeparis.fr/voir-et-entendre/lagenda/tout-lagenda/article/il-mondo-della-luna-3/

Photo © Ferrante Ferranti - CNSMDP

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