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Idoménée à l’Opéra de Tours - Pur classicisme - Compte rendu

Opéra de la transgression, Idoménée, créé le 29 janvier 1780 à Munich dans l’euphorie du carnaval, marque une rupture dans la vie d’un compositeur de vingt-cinq ans en passe de rompre ses liens avec sa ville natale, de se détacher de son père et d’assumer son destin dans la capitale autrichienne. Aucune analyse psychanalytique toutefois dans la production de l’Opéra de Tours, mais un art classique porté à sa perfection, où la dimension racinienne - on pense à Andromaque - est servie par une mise en scène équilibrée soucieuse de la cohérence entre fosse et plateau.

La simplicité, le naturel, président à la dramaturgie nuancée d’Alain Garichot (qui fut, et ce n’est pas un hasard, professeur d’interprétation et de scène à l’Ecole d’Art lyrique de l’Opéra de Paris). A la tête de son Orchestre Symphonique Région Centre-Tours, Jean-Yves Ossonce excelle dans l’art de doser les coloris instrumentaux, de soigner les détails orchestraux (la perfection du cor dans le IIIe acte), sans sacrifier sens théâtral et efficacité dramatique. Le décor minimaliste de Denis Fruchaud laisse apprécier la qualité des lumières, des vidéos (les nuages, la tempête, les dégradés de couleurs…) ainsi que le déplacement des chanteurs et des chœurs. La présence intimidante d’un masque géant symbolisant Neptune ponctue l’action en véritable deus ex machina.

Plateau vocal harmonieusement distribué : l’Idomeneo du ténor belge Yves Saelens affirme l’autorité du père noble avec des accents très suggestifs (superbe « Fuor del mar »). La mezzo canadienne Mireille Lebel sert le rôle travesti d’Idamante avec une grande pureté de timbre et manifeste une émotion où la ferveur amoureuse le dispute à la mélancolie. Incarnée par Sabine Revaut d’Allones, la jeune princesse troyenne captive Ilia est bouleversante de sensibilité. Sophie Marin-Degor transmet avec réalisme tous les états d’âme du personnage d’Electre et manifeste une violence vindicative impressionnante dans l’air « O smanie ! O furie ! ». Philippe Talbot (Arbace) et Antoine Normand (le Grand Prêtre) concourent également à la réussite d’un travail d’équipe très fidèle à l’esprit de Mozart.

Michel Le Naour

Mozart : Idoménée
Tours, Opéra, 20 mars 2012

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Photo : Fr. Berthon
 

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