Journal

Gustav Leonhardt en récital aux Bouffes du Nord - Médiateur incontournable - Compte-rendu

Entre Gustav Leonhardt et le théâtre des Bouffes-du-Nord, il existe une vraie complicité. Comme si ce décor noblement «décalé» jouait comme un stimulant sur l'imaginaire du Néerlandais, toujours plus tourné vers l'introspection et le regard intérieur au fil des années.

Certes, à près de quatre-vingt-quatre ans, Leonhardt doit aujourd'hui composer avec de petits problèmes de santé, conséquence naturelle de l'âge. « Mais les problèmes, on n'y pense plus, dès qu'on est installé à son clavier ». C'est dire si chacun de ses récitals est attendu comme un événement par un public à sa dévotion.

De son dernier passage à Paris, on retiendra, une fois de plus, qu'il conjuguait idéalement inspiration, réflexion et fidélité absolue aux textes, au fil d'un programme qui pourra sembler plus austère que d'autres. Au centre de l'affiche, la Suite en mi mineur BWV 996, adaptée de l'original pour luth (für das Lautenwerk) composé pour l'essentiel à Weimar et Köthen, disait la place majeure occupée par Bach dans la hiérarchie des auteurs favoris du soliste (rappelons que celui-ci a incarné le Cantor dans le film-culte la Chronique d'Anna-Magdalena Bach, tourné naguère par Jean-Marie Straub et Danièle Huillet).

Auparavant, l'Allemande sur la mort de Charles XI de Suède de Christian Ritter était d'un maître, formé à Dresde par Christoph Bernhardt - qui fut l'élève de Heinrich Schütz, l'Orphée germanique - mais ensuite témoin agissant de son temps, au fil d'une carrière partagée entre la capitale saxonne, Halle, la cour de Suède et Hambourg. Et Leonhardt s'y s'épanchait pudiquement, de même que dans le poétique intermède Purcell qui interpelait les plus anciens d'entre nous, avec, entre autres, deux Grounds féériques nous remettant en mémoire sa collaboration avec l'ineffable Alfred Deller dans les jardins de la Fairy Queen, voici quelque soixante ans (pour le label Vanguard). Et l'on n'oubliera pas non plus la forte personnalité de Georg Böhm, au sein de l'école nord-allemande, si justement perçue par notre claveciniste, juste avant le singulier Prélude non mesuré de d'Anglebert et les ultimes grâces du Siècle des Lumières, demandées en conclusion au convivial Jacques Duphly (mort en 1789) et sonnant plus ou moins en écho à Rameau. Dans les grandes et petites choses, le génie d'interprète - et de médiateur - de Leonhardt reste décidément incontournable.

Roger Tellart

Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, 12 décembre 2011

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Roger Tellart

Photo : DR
 

Partager par emailImprimer

Derniers articles