Journal

Georgy Tchaidze au Festival Piano aux Jacobins - Talent d’avenir - Compte-rendu

Depuis l’origine, illustres aînés et talents en devenir se côtoient à l’affiche de Piano aux Jacobins, festival qui a souvent offert leur premier récital français à de jeunes interprètes. Ça aura été le cas la semaine passée pour Georgy Tchaidze, artiste russe de 24 ans, Premier Lauréat du Concours international Honens de Calgary (Canada) en 2009.

Il était temps que le public français découvre un musicien prometteur, déjà présent en Espagne, en Allemagne ou au Canada, qui après des études à Saint-Pétersbourg (sa ville natale) s’est perfectionné auprès de Klaus Hellwig à Berlin.

Tchaidze commence son récital par la Sonate n°5 de Beethoven et manifeste d’emblée une qualité de son et un sens de la ligne qui retiennent l’attention. On ne lui en aurait pas voulu d’aborder ce Beethoven de jeunesse sur un mode un brin effronté, plus expressif encore dans l’Adagio molto mais, telle quelle, son interprétation, de facture classique, séduit par son équilibre.

Le mot vaut aussi pour les Six Bagatelles op 126. Avec le temps, le pianiste creusera les caractères de chacun des morceaux mais, déjà, la dimension cyclique du recueil est assumée avec une intelligence et un sens des transitions peu ordinaires. A l’heure qu’il est Tchaidze est semblable à un bourgeon bien ouvert qui laisse déjà plus que deviner la belle fleur qui ne tardera pas à s’épanouir… On ne fait pas pousser les plantes en tirant dessus ; patience…

La si révélatrice Sonate n°31 op 110 confirme ces excellentes impressions et les dépasse même par une déjà grande hauteur de vue et une capacité de donner vie à la totalité du tissu polyphonique avec une calme autorité.

En second partie, Tchaidze a choisi les Sonates nos 4 et 7 de Prokofiev ; autant dire qu’il joue dans son arbre généalogique. Les deux premiers volets de la Sonate « d’après des vieux cahiers » montrent une palette sonore tendre et nuancée, avant que le finale ne s’ébroue, sans dureté et avec esprit.

Tchaidze est un grand cinéphile précise sa biographie. Dès lors on comprend mieux qu’il saisisse aussi bien la dimension cinématographique de la deuxième des « Sonates de guerre », de son premier mouvement en particulier – ses effets de zoom, ses panoramiques sur de vastes étendues ravagées…

On se laisse prendre par l’étrange poésie de l’Andante caloroso, où le pianiste raffine sa palette de couleurs sans maniérisme, avant d’être emporté par le souffle d’un Precipitato d’une implacable stabilité rythmique. Il montre ici qu’il n’est nul besoin de « cogner » – comme trop souvent dans cette œuvre… – pour parvenir à ses fins. Georgy Tchaidze : un authentique musicien à suivre de près.

Alain Cochard

Toulouse, Cloître des Jacobins, 11 septembre 2012

33ème Festival Piano aux Jacobins, jusqu’au 28 sept. 2012/ www.pianojacobins.com

Photo : DR

Partager par emailImprimer

Derniers articles