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Geoffroy Couteau joue Brahms à la Cité de la musique – Brahms, tout simplement – Compte-rendu

Voilà un moment qu’on entendait parler très élogieusement de Geoffroy Couteau (photo), nom indissociable de celui de Brahms. Intrigué, on prit le temps de découvrir son intégrale de l’œuvre pour piano seul, sortie il y a près de deux ans maintenant sous le label La Dolce Volta. Ce fut une révélation, ou plus exactement Brahms, comme une évidence. Geoffroy Couteau ne fait pas les choses à moitié. D’abord destiné à une carrière de gymnaste, le piano n’arrive que tard dans sa vie. Loin de l’image de l’enfant prodige, le pianiste est plutôt un travailleur acharné avec une âme de poète.
Le lien viscéral qui unit le pianiste français à Brahms ne date pas d’hier. Après ses études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, Geoffroy Couteau remporte un Premier Prix au 12e Concours International Johannes Brahms de Pörtschach en 2005… Prémonitoire ?
 Quelques années de travail plus tard, il ose faire le choix de l’immersion totale, prend une retraite artistique indispensable pour accoucher de ce projet fou qui le propulse enfin aujourd’hui sur le devant de la scène.
Car n’est pas brahmsien qui veut. Il y a une pâte Brahms qui exige un son généreux et chaud, une densité quasi orchestrale de timbres, une main gauche « de fer » dans un « gant de velours ». Geoffroy Couteau possède toutes ces qualités auxquelles s’ajoutent la grande clarté du discours, la profondeur de l’expression, l’élégance des phrasés. Son piano n’est jamais lourd, jamais dur, jamais sec. Un piano qui vit, qui chante et qui pense et qui va sans détour à l’essentiel. Résultat : on reçoit l’émotion de plein fouet.
Ce fut le cas samedi dernier, dans l’intimité de l’amphithéâtre de la Cité de la musique.

© geoffroycouteau.com
 
Geoffroy Couteau offrait en une heure trente de récital, le Brahms de l’année 1854 : les quatre Ballades op. 10, tantôt épurées et teintées de thèmes populaires tziganes, tantôt farouches pleine d’accents et d’ambiguïtés rythmiques, la Troisième Sonate, chef-d’œuvre de romantisme allemand « où le piano se transforme en un orchestre, aux voix tour à tour exultantes ou gémissantes » (Robert Schumann).
Larges et puissants accords, incessants et vertigineux déplacements sur le clavier, approche orchestrale du piano, poésie proche de l’univers du Lied, références explicites à la figure tutélaire de Beethoven mais aussi à son mentor Robert Schumann, c’est en quelques mots ce qui attend l’interprète pour aborder cette œuvre périlleuse et géniale.
Geoffroy Couteau a tenu en haleine l’auditoire pendant les 40 minutes de l’ouvrage, on n’en a pas perdu une miette. Entre puissance et tendresse, c’était Brahms, tout simplement.
Une valse en premier bis, une danse hongroise pour finir, et au milieu, la sublime Sarabande de la Suite française n°5 de Jean-Sébastien Bach qui nous laisse à penser que Couteau est loin d’avoir dit son dernier mot.
 
Gaëlle Le Dantec

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Paris, Cité de la musique (Amphithéâtre), 26 juin 2018

Photo @geoffroycouteau.com

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