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Gala de l’Académie princesse Grâce à Monaco - Le ballet classique à la source, et bien vivant – Compte-rendu

Pendant longtemps, l’Ecole fondée par Rosella Hightower à Cannes fut la référence absolue en France. Le monde entier y courait, attiré par ce prestige fabuleux qui forgea d’immenses étoiles et où se pressaient Noureev, Anton Dolin, Béjart et autres stars. Il faut aujourd’hui compter aussi avec l’Académie Princesse Grace à Monaco, axé sur le souvenir et la passion de deux grandes dames, la souveraine de Monaco, fondatrice de l’école en 1975 et Marika Besobrasova, danseuse et pédagogue d’exception, qui, après avoir créé un cours privé à Monaco en 1952, où elle enseigna notamment à de futures vedettes telles que François Klaus, étoile de John Neumeier, reçut le cadeau de cette Académie pour donner à son travail l’envergure et le confort qu’il méritait.
 
Installée dans la jolie villa Casa Mia, l’école n’a pas démérité, et comme l’histoire de la danse se battit avec des coups de foudre, l’aventure de Jean-Christophe Maillot sur le Rocher, la confiance et l’amitié que lui a témoignés la princesse Caroline ont donné un envol supplémentaire à une institution plus qu’opérationnelle. En 2011, les Ballets de Monte Carlo, l’Académie et le Monaco Dance Forum s’agrégeaient donc pour ne former qu’une seule entité sous l’autorité de Maillot, avec pour directeur un danseur italien, Luca Masala, nommé en 2009, et dont les dons d’organisateur et de transmetteur ont pu ici s’épanouir: « L’Académie, dit-il, c’est ma vie ».
 
Et voici que les talents fleurissent dans cette citadelle de discipline et de beauté, avec des jeunes gens choisis dans le monde entier, de 13 à 18 ans, qui viennent ici en internat, parfaire pendant cinq ans des bases acquises ailleurs. Ils y trouvent leur style et leur personnalité, grâce à un enseignement aussi rigoureux qu’éclairé qui se démultiplie en plusieurs approches allant du classique le plus académique au Pilates et au flamenco, outre les indispensables cours de Musique et d’Histoire de l’art. Certes, Maillot n’a absolument voulu que l’Académie débouchât sur le rêve d’un engagement dans les Ballets de Monte Carlo, dont il tient à ce qu’ils restent un débouché comme les autres pour les diplômés. «  Je sais trop, assure-t’il, l’angoisse de ces jeunes lorsqu’ils ne sont pas pris dans la compagnie à laquelle ils prétendent ». Dès la fin d’étude, les danseurs sont donc suivis, présentés, conseillés aux multiples structures mondiales où ils pourront être engagés. En France, Malandain y a puisé notamment et la superbe Rina Kanehara, Prix de Lausanne et reine des cygnes du gala, s’envolera bientôt pour le Royal Ballet

Le gala, formule qui fait souvent trembler tant on a de souvenirs de gentils spectacles de fin d’année dont le charme ne vaut que pour les parents, est ici une jolie démonstration de la vie des étudiants de l’Académie, que Masala a déroulé sur une trame habile, celle des Lacs : avec pour fil conducteur l’évocation d’un parcours difficile pour le nouveau venu et l’épanouissement final avant de pousser les portes de l’âge adulte, sous la houlette d’un maître-magicien incarné par Gaetan Morlotti, complice de Maillot. Les jeunes danseurs montrent ici leur talent, leur enthousiasme et la beauté de leurs placé -pieds admirables pour les filles- dans diverses chorégraphies du Lac qui s’enchaînent, de l’inévitable Ivanov à Mats Ek et au formidable Marco Goecke, allemand dont on ne voit guère le travail en France et qui a ici conçu sa chorégraphie spécialement pour ce gala : pantins habilement désarticulés, qui décomposent les pas classiques avec un humour et un charme craquants.
 
Et puisque ici le jeu réside dans l’enjeu, on est bien obligés de signaler les profils des jeunes gens dont la carrière semble assurée, de la fine Rina Kanehara, déjà professionnelle aguerrie, au beau Luca Afflitto, au formidable Aleksandro Akapohi, exceptionnel dans les distorsions de Marco Goecke et surtout à la superbe Iolanda Filippa Almeda, venue de Sao Paolo, qui  manifeste une liberté rayonnante, preuve d’une riche personnalité scénique. On sait la terrible ascèse que représente la discipline du ballet classique, mais il n’est pas interdit qu’elle se passe dans la joie. Cela semble être assurément le cas ici.
 
Jacqueline Thuilleux
 
Opéra de Monte-Carlo, Salle Garnier. Le 27 juin 2015

Photo © Alice Blangero

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