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Gaetano Veneziano et Antonio Nola sous la direction de Leonardo García Alarcón à Versailles – Plongée mystique - Compte-rendu

Pour marquer le Vendredi saint, Leonardo García Alarcón (photo) dirige à la Chapelle royale de Versailles deux pages religieuses napolitaines de la fin du XVIIe siècle : la toute indiquée Passio per il Venerdi Santo (« Passion pour le Vendredi saint », datée de 1685) de Gaetano Veneziano et le Stabat Mater d’Antonio Nola. Deux pages méconnues de deux compositeurs qui le sont autant. Et deux œuvres frémissantes de passion, qui font une large place au lyrisme. Où se retrouve bien là le goût, ou la passion, du chef baroqueux pour redonner vie à un répertoire injustement oublié.
 
Gaetano Veneziano (1656-1716), natif de Bisceglie dans les Pouilles, sera un élève de Francesco Provenzale (1624-1704), pour devenir ensuite organiste et maître de la Chapelle royale de Naples. Il laisse une multitude de pièces religieuses et y compris même un opéra. Quant à Antonio Nola (1642-après 1715), Napolitain de naissance et dans sa carrière, il suit un parcours similaire, un peu moins florissant mais tout autant porté sur le répertoire religieux choral. Pour l’un comme pour l’autre, la plupart de leurs nombreuses partitions dorment actuellement dans les archives. À tort, comme le prouve ce vibrant concert.
 
À Versailles, officient le Millenium Orchestra, dont García Alarcón est le fondateur et directeur (entre autres), le Chœur de chambre de Namur et des solistes vocaux choisis. Valer Sabadus, l’Évangéliste de la Passion de Veneziano, dispense ses monologues ornementés d’une voix angélique au faîte de sa technique. Décidément, le contreténor du moment ! Francisco Mañalich, le Christ ténor de cette même œuvre, lui répond d’une égale intensité. La basse Philippe Favette se fait un Pilate plus discret, comme le réclame son attribution.
 
La deuxième partie de concert, entrecoupée d’un silence recueilli demandé par le chef au public (Vendredi saint oblige !), laisse seul le chœur dans la participation vocale. Après le chemin de croix conté par ses témoins tel que le veut le Nouveau Testament, place à une méditation polyphonique d’une égale profondeur mystique. Dans Nola comme dans Veneziano, le chœur s’épanche d’un seul élan avec cette perfection dans ses différentes voix dont l’ensemble choral de la ville de Namur témoigne en maître incontesté. L’orchestre Millenium, lui aussi attaché à la cité belge, distille ferveur et délié, portant désormais haut les couleurs musicales de la cité wallonne. Sous une direction impérieuse, comme nous y a habitué García Alarcón, chœur et orchestre de se fondre alors dans un moment comme suspendu.
 
Pierre-René Serna

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Versailles - Chapelle royale du château, 30 mars 2018.

Photo © Jean-Baptiste Millot

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