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​ Gabriel Durliat et ses amis à La Scala Paris – Fauréade inspirée – Compte-rendu

 

 
Une fois de plus la série Les Pianissimes et La Scala Paris – autant dire deux organisateurs privés qui osent prendre des risques en faveur des jeunes interprètes – ont conjugué leur forces. Et c’est une grande salle de la Scala pleine comme un œuf qui a accueilli le pianiste Gabriel Durliat (photo, né en 2001) et quelques amis pour une « Fauréade ».
 

Son prétexte en était la sortie du tout premier enregistrement du pianiste chez Scala Music. Un album Fauré, Bach et Durliat (compositeur et transcripteur) qui donne la mesure d’un pur musicien. Plus qu’un simple disque, Durliat signe un programme pensé, conçu, équilibré avec une intelligence rare et vécu avec un sens poétique aiguisé. On s’en voudrait de trop déflorer la surprise qu’il offre en cours de route (et quel morceau de la route : le dernier contrepoint, inachevé, de L’Art de la Fugue ...) et la beauté des Fauré qui suivent. Il vous faut vivre cela ; c’est proprement fabuleux ... À 23 ans Durliat est aussi prometteur au piano qu’à la direction d’orchestre. Quelle voie choisira-t-il ; choisira-t-il d’ailleurs ? Une certitude absolue : il compte parmi les très grands musiciens français de sa génération.  

 

Dans le Trio op. 120, sous le regard du maître de Pamiers ... © DR 

Fauréade de fin de dimanche entre amis donc, avec un programme là encore imaginé par le pianiste, qui embrasse la totalité du parcours du compositeur français, de l’Opus 1 à l’Opus 118, avec la participation de Victoire Bunel (mezzo), Thomas Briant (violon, membre de l’excellent Trio Zarathoustra) et Jordan Costard, violoncelliste dont on avait déjà salué le qualités au côté de Gabriel Durliat au Festival de Colmar en 2023, dans Fauré et Strohl)(1).
 

Victoire Bunel © François Bouriaud
 
Perfection d’un chant où pas une syllabe n’échappe à l’oreille, charme entêtant de l’accompagnement : dès le Papillon et la fleur op. 1, l’auditeur est plongé dans un véritable bain de poésie, que rien ne viendra altérer. L’art de Victoire Bunel (qui a enregistré une Chanson d’Ève de référence avec la pianiste Sarah Ristorcelli)(2), s’illustre par la suite avec « Notre amour », « Les berceaux », « À Clymène », « Ô mort » et, enfin, « Vaisseaux, nous vous aurons aimés », pages toutes servies avec un art de la caractérisation exemplaire qui signale une mélodiste de haute lignée – et une fauréenne née. On n’a pas moins cédé à l’effusive expression de Thomas Briant dans l’Allegro molto initial de la 1ère Sonate op. 13, à la noblesse de Jordan Costard dans la fameuse Elégie – intériorisée et réinventée avec la complicité infiniment nuancée de Durliat – ou à son naturel et son chic dans la Romance op. 69. Quant à l’Andantino du Trio op. 120 qui unissait les deux archets au clavier, il n’en devenait que plus magique placé entre le Nocturne n° 13, merveilleux et terrible sous les doigts de Durliat, et les bouleversants Vaisseaux de L’Horizon chimérique.

D'une cohérence parfaite, le programme présentait des enchaînements assez miraculeux : ceux que nous venons de mentionner et, plus encore, l’ultime « Ô mort » de la Chanson d’Ève se sublimant dans le In Paradisum du Requiem op. 48 transcrit par Durliat. On n’a pas moins admiré le pianiste dans la Barcarolle n°1, d’une poésie ailée (tellement à sa place après le Papillon et la fleur !), ou dans sa transcription de la Sicilienne de Pelléas et Mélisande.

Un regret toutefois : quelle mauvaise idée d’avoir infligé micros et légère mais désagréable amplification à de tels artistes. A ne surtout pas réitérer !
 

 
Alain Cochard
 

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Paris – La Scala – 17 novembre 2024

(1) www.concertclassic.com/article/festival-international-de-colmar-2023-lheure-de-la-renaissance-compte-rendu
 
 (2)www.conservatoiredeparis.fr/fr/medias/publication/prima-verba-victoire-bunel-sarah-ristorcelli-avec-la-participation-du-quatuor-elmire
 

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