Journal

Frans Brüggen et Isabelle Faust à Gaveau - L’imagination au pouvoir - Compte-rendu

L’Orchestre du XVIIIe siècle et son fondateur, Frans Brüggen, étaient invités Salle Gaveau, pour un programme tout entier consacré à Beethoven avec, en soliste, la violoniste Isabelle Faust. L’archet fluide et lumineux de cette dernière, comme la direction décantée à la pulsation constante du chef donnent un « coup de jeune » au Concerto en ré majeur qui voit le violon aérien d’Isabelle Faust survoler l’orchestre avec des aigus d’une pureté et d’une justesse absolues. Les cadences de Wolfgang Schneiderhan (1915-2002), qui fut violon solo de la Philharmonie de Vienne de 1937 à 1951, apportent une note d’étrangeté (en particulier celle du premier mouvement avec accompagnement de timbales) tout en s’intégrant avec bonheur à une interprétation profonde et nuancée.

Dans la Symphonie « Héroïque », la volonté expressive, le galbe de la ligne sont soulignés - parfois même à l’excès - par des timbales incisives, mais le sens de l’architecture, l’ampleur du geste emportent les mouvements rapides (le final en particulier) par un élan stimulant. La Marche funèbre, sans la grandeur et la puissance des versions post-romantiques, possède un allant et un sens des contrastes saisissants. La qualité du chant, l’horizontalité de la conception sont la marque d’un musicien hors pair qui parvient même à faire oublier, par son inventivité, l’absence de vibrato des cordes et la verdeur de cuivres parfois malmenés (Scherzo).

En bis, la souplesse et la poésie de l’extrait de Rosamonde de Schubert recèlent une mélancolie douce-amère : la tendresse et la simplicité vont directement au cœur. D’une faiblesse à toute épreuve, Frans Brüggen, à 78 ans, dépasse le sentiment tragique de sa propre vie pour s’élever sur les cimes interprétatives par un approfondissement constant de son art.

Michel Le Naour

Paris, Salle Gaveau, 19 novembre 2012

> Programme détaillé et réservations de la Salle Gaveau

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles de Michel Le Naour

Photo : Annelies van der Vegt
 

Partager par emailImprimer

Derniers articles