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Florent Nagel en création à l’Orchestre Victor Hugo - Franche Comté – Chants du rêve pour Le Bateau Ivre

Florent Nagel (photo) a été le premier surpris par le succès de son Alice au pays de merveilles, une partition (pour récitant et piano à quatre mains) écrite en 2012 sur des extraits du célèbre conte de Lewis Carroll. Un large public s’est effet très vite approprié un ouvrage que d’aucuns auraient pu être a priori tenté de cantonner à la catégorie « Jeune Public. ». De 3 à 99 ans, on ne peut il est vrai que fondre de bonheur devant la fraîcheur, la drôlerie, la poésie – tendre ou bien plus troublante – d’une composition aux multiples niveaux de lecture qui totalise environ 300 exécutions à ce jour. (1) Alice a su s’adapter à son succès : il en existe une version longue, une courte, elle a été donnée en anglais, en espagnol, en coréen et – quelle plus belle marque de reconnaissance pour le compositeur ? –  l’Orchestre national du Capitole de Toulouse en a commandé une mouture symphonique, dont la création, très applaudie, s’est tenue en mars 2018 dans la ville rose, sous la direction de Christophe Mangou.
 

Alice au pays des merveilles (Bona Song et Florent Nagel au piano et le comédien Yves Penay) © DR

Du Divin Marquis au Livre pour piano
Fort de l’accueil réservé à Alice, Florent Nagel, ancien élève de Marcel Bitsch en contrepoint, de Gérard Frémy et André Dumortier pour le piano, s’était lancé dans un nouveau projet « lui permettant d’aller encore plus loin dans le rapport entre texte et musique », ce à partir des 120 Journées de Sodome de Sade. « Je me suis vite rendu compte que le texte était trop fort et qu’à la différence d’Alice, je ne pouvais pas me contenter de courtes pièces. Il fallait une musique bien plus structurée ; j’en suis donc revenu au contrepoint et j’ai élaboré des morceaux plus longs, plus denses, plus complexes. » Au fil des mois, les compositions ont fini par trouver leur pleine indépendance aux yeux d’un compositeur qui a alors « décidé d’abandonner le texte de Sade et de rassembler la musique dans un Livre pour piano (2) destiné à des exécutants de très bon niveau. » Le recueil (daté pour l’essentiel de 2016) rassemble 25 pièces très structurées, dont sept sont des préludes et fugues, les autres relevant de l’étude (Quartes, Etude Giratoire, Quintes, etc.). « Je me suis vraiment découvert en travaillant au Livre pour piano, j’ai compris mon écriture, mon mode de fonctionnement », avoue celui dont la démarche créatrice "se base sur une tradition, mais avec un langage d’aujourd’hui ». Et le succès est là pour des pièces merveilleusement écrites ; elles traduisent une connaissance intime du piano et de ses ressources expressives – dont la production contemporaine pour l’instrument ne peut pas toujours se prévaloir ...
 

Pièces jointes
Depuis quelques jours (la partition vient tout juste de sortir chez Lemoine/Combre), un nouveau recueil est disponible : Pièces jointes. Elles constituent « une sorte de pont entre Alice et le Livre pour piano du point de vue du langage, même si elles sont postérieures à ce dernier, explique l’auteur. Il s’agit de pièces de virtuosité de deux-trois minutes, avec moins de contrepoint que dans le Livre pour piano ; elles sont très axées sur l’aspect rythmique. » Là encore, seuls des pianistes solidement armés techniquement pourront pleinement profiter du recueil. Mais un autre, plus abordable, sortira bientôt chez le même éditeur : Jeux et Ronde des puces – inspiré de la fameuse Valse des puces.
 

Quintette Le Bateau Ivre © Christian Glaier

Les Chants du rêve
Pour l’heure, l’actualité de Florent Nagel est à l’orchestre puisqu’il revient à l’univers symphonique, deux ans après l’orchestration d’Alice au pays des merveilles, avec Les Chants du rêve, une pièce dont l’Orchestre Victor Hugo – France Comté et Jean-François Verdier assureront la création (le 20 février à Besançon, le 21 à Sochaux), avec le concours du Quintette Le Bateau Ivre. Cette jeune formation pour flûte, harpe, violon, alto, violoncelle s’est constituée en 2015 à Strasbourg autour du Quintette de Jean Cras, chef-d’œuvre méconnu de la musique française daté de 1928 dont la rédaction avait été suscitée par une demande du quintette du harpiste Pierre Jamet (1893-1991) – outre la pièce du musicien breton, il a été à l’origine de pages de Pierné, Koechlin, Roussel, Schmitt, Ropartz, etc. Le Bateau Ivre s’inscrit dans la même démarche et, désireux d’élargir son répertoire, a passé commande de la partition que l’on s’apprête à entendre.

Les Chants du rêve ? « Aucune inspiration littéraire » ici, précise un compositeur qui s’est laissé porté par la « puissance évocatrice » de la sonorité d’un quintette quelque peu inhabituel. Reste que Florent Nagel sera à l’origine d’une première, la littérature symphonique ne comportant en effet aucun ouvrage concertant pour un tel ensemble. D’un seul tenant et d’une vingtaine de minutes, Les Chants du rêve relèvent selon leur concepteur à la fois du concerto, du concerto grosso, de la symphonie et « s’inscrivent dans la continuité du travail d’orchestration d’Alice ». Du fait de la dimension onirique introduite par les timbres de la flûte et de la harpe, cette nouvelle partition constitue « une forme de retour au rêve », huit ans après celui inspiré de Lewis Carroll. Le nouvel ouvrage de Florent Nagel résonnera dans un contexte idéal, au cœur d’un programme intitulé « Légendes et Féeries » où figurent aussi le Quintette de Jean Cras, le Concerto pour la main gauche de Ravel (avec Rémi Geniet en soliste), la 2ème suite de Daphnis et Chloé et ... une « œuvre mystère ».

Découvrir la mélodie du texte
Le début de l’année 2020 s’avère décidément riche pour le compositeur français. Superbe marque reconnaissance, François Le Roux et l’Académie Francis Poulenc de Tours lui ont passé une commande pour le prochain Printemps de la Mélodie Française, rendez-vous incontournable pour les amoureux du genre. Un cycle sur des textes de la poétesse suisse Julie Delaloye dont « le style très pur, très évocateur, très direct, a immédiatement séduit » un musicien qui a pris un évident bonheur à « découvrir la mélodie du texte. » Rendez-vous le 29 mars à la salle Cortot pour la première de ce nouvel opus.

Quant à un avenir un peu plus lointain, les projets ne manquent pas pour Florent Nagel, que ce soit côté piano, dans le domaine symphonique ou encore avec une étonnante réalisation pour voix et piano en cours de gestation ; elle promet de souligner le formidable sens des caractères et de la miniature de son auteur. A suivre ...

Alain Cochard
(Entretien avec Florent Nagel réalisé le 16 janvier 2020)

(1) Lire le CR : www.concertclassic.com/article/alice-au-pays-des-merveilles-de-florent-nagel-creteil-alice-en-excellente-compagnie-compte
www.concertclassic.com/article/le-disque-de-la-semaine-alice-au-pays-des-merveilles-de-florent-nagel

(2) Editions Alphonse Leduc / Le Livre pour piano a été enregistré par le compositeur en 2017 (1CD AZUR Classical – AZC 158)
 
« Légendes et Féeries »
Orchestre Victor Hugo – Franche Comté, dir. Jean-François Verdier
Œuvres de Cras, Nagel, Ravel
20 février 2020 – 20h
Besançon – Kursaal
21 février 2020 – 20h
Sochaux – La Mals
http://www.ovhfc.com/
 
3ème Printemps de la Mélodie Française
29 mars 2020 – De 14h à 18h
Paris – Salle Cortot

Site de Florent Nagel : nagelflorent.wixsite.com/nagel
Site du Quintette Le Bateau Ivre : www.quintettelebateauivre.com

Photo © DR

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