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Finale du XXVIIe Concours Clara Haskil de Vevey – Vers l’avenir – Compte-Rendu

Beau geste du Septembre musical de Montreux-Vevey, en direction des jeunes interprètes et de l’avenir, que d’inclure la finale du Concours Clara Haskil dans la programmation du festival suisse. Sorte de préambule à la 72e édition de la manifestation, la dernière épreuve du XXVIIe Concours marquait l’aboutissement d’un processus commencé le 17 août avec un total de 26 candidats qu’un jury présidé par Christian Zacharias (et composé de Catherine d’Argoubet, Konstance Eickhorst, Elza Kolodin, Anne Queffélec, Antonio Moral et Marc Pantillon) a eu pour tâche de départager.

Trois candidats demeuraient en lice pour l’épreuve de concerto, accompagnée par Christian Zacharias à la tête de l’Orchestre de chambre de Lausanne. Bilan dans l’ordre de passage.

(de g. à dr.) Alberto Ferro, Mao Fujita, Aristo Sham © Céline Michel

Né en 1996 à Hong Kong, Aristo Sham a effectué une bonne partie de ses études aux Etats-Unis et remporté le Premier Prix de la New York International Piano Competition l’an dernier. Son Concerto op. 54 de Schumann, attaqué avec vigueur, montre vite ses limites et son prosaïsme, très univoque dans l’expression et séquentiel dans la construction, d’une sonorité sans doute pleine mais bien uniforme, guère sculptée ni nuancée.
Pièce imposée de la finale et commande du Concours 2017, Tenabrae, Nocturne n° 6 op. 139 pour piano seul de Nicolas Bacri révèle un indéniable sens du mystère de la part d’A. Sham, qui laisse toutefois dans l’ombre trop de détails d’une pièce propre à révéler le – plus ou moins grande – maîtrise des plans sonores par l’exécutant.

Alberto Ferro (né en 1996, Italie), que d’aucuns auront repéré au Concours Reine Elisabeth 2016 – il y a obtenu le 6ème Prix, et l’on sait ce que signifie de seulement faire partie des finalistes classés à Bruxelles ... – a opté pour le 2ème Concerto de Chopin. Par sa présence sonore, sa luminosité, la qualité du legato et, surtout, le sens de la construction et de la grande ligne, Ferro fait la différence avec le candidat précédent. Las !, il manque de frisson romantique et d’abandon à son interprétation pour traduire la poésie et le frisson dont l’Opus 21 est porteur.
De la pièce de Bacri, le pianiste italien théâtralise le propos de façon sans doute excessive, mais sa conception, efficace, n’est pas sans atout.

C’est avec Mozart et son 24e Concerto, que le Japonais Mao Fujita (photo) – distingué il y a peu à Hamamatsu et par le volet « young artists » du Gina Bachauer – a décidé de concourir. Souriant et touchant, perdu dans un costume trop ample, le benjamin de la finale (il est né en 1998) s’attaque au KV 491 avec un bel engagement et un jeu d’une grande fluidité. La dimension dramatique de l’ouvrage fait sans doute un peu les frais de son enthousiasme, la manière de lancer et relancer la phrase pèche par un certain systématisme, mais Fujita tient indéniablement son affaire en mains ­– il est présent – et noue une belle complicité avec l’orchestre et son chef.

Christian Zacharias et Mao Fujita © Céline Michel

Le jeune homme a sans doute beaucoup à apprendre encore des subtilités de la syntaxe mozartienne, mais témoigne d’un potentiel musical indéniable. Ce que confirme son Tenebrae – de très loin le plus intéressant de la finale – fouillé et plein de couleurs, parvenant à un équilibre pour le moins idéal entre mystère et relief.
On comprend que le choix du jury se soit porté sur le candidat japonais – d’autant que son Opus 111 de Beethoven a visiblement beaucoup marqué les esprits en demi-finale – , jugement partagé par un public qui a majoritairement voté pour le pianiste japonais. Le Prix Modern Times, pour l’interprétation de l’œuvre de Nicolas Bacri, et le prix « Coup de Cœur » de la Jeune Critique sont aussi allés à Mao Fujita, le Prix Children’s Corner, attribué par les élèves du Conservatoire de Vevey, revenant quant à lui à Alberto Ferro. Le bilan est à l’évidence décevant pour ce dernier – rude loi des concours ...

La fête musicale dure jusqu’au 2 septembre à Montreux. Si vous êtes dans les parages, il est encore temps d’aller écouter Pavel Kolesnikov et Samson Tsoy, en solo et à quatre mains (le 30/08), Lorenzo Viotti – magnifique baguette promise au plus bel avenir – à la tête du European Philharmonic of Switzerland, avec Andrew Tyson au piano (le 31/08), ainsi que le Russian National Orchestra emmené par Conrad von Alphen, avec le grand Mikhail Pletnev au clavier (1er et 2/09).
 
Alain Cochard

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Vevey, Le Reflet, 25 août 2017-08-29
Site du Concours Clara Haskil : www.clara-haskil.ch
 
72ème Septembre Musical, jusqu’au 2 septembre 2017
www.septmus.ch

Photo Mao Fujita © Céline Michel

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