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​Festival de la Chaise-Dieu 2023 - Eclat, démesure et humanité – Compte-rendu

 
 
Incontournable et vénérable, le Festival de La Chaise-Dieu, qui s’est tenu du 17 au 27 août, a une nouvelle fois été placé sous le signe de l’exigence, de la richesse et de la diversité de sa programmation. Avec le temps, ce grand rendez-vous musical aurait pu finir par ronronner et s’assoupir, porté par le seul souvenir de son initiateur, György Cziffra. Il n’en est rien. Le nouveau directeur général, Boris Bianco, a été à la hauteur du défi à relever pour cette 57édition.
 
Hervé Niquet © Henri Buffeteau

Jubilatoire

Dès la soirée d’ouverture, c’est un véritable feu d’artifice musical très british qui a été tiré par Hervé Niquet et son Concert Spirituel. Les Coronations Anthems de Haendel ont sonné dans la cathédrale Notre-Dame du Puy-en-Velay comme un formidable appel à jubiler, en dépit d’un plateau réduit (14 chanteurs et 13 musiciens), loin de l’effectif pléthorique (historiquement informé) utilisé lors de l’enregistrement de ce même programme (1). Un tour de force technique et surtout artistique qui démontre, s’il en était besoin, qu’Hervé Niquet est un maître incontesté dans l’art haendélien. Le chef  a une connaissance profonde de ce répertoire, associée à un indéniable sens théâtral. Les airs confiés aux pupitres plutôt qu’à des solistes, des fugues dans des tempi débridées, des cordes brillantes rivalisant avec les trompettes et les timbales : ces Coronations Anthems ont frappé les trois coups du festival avec éclat et solennité.
 

Case Scaglione et l'Orchestre national d'Île-de-France © Vincent Jolfre

De tout son être

Autre majesté, autre démesure, le deuxième soir avec la populaire 5e Symphonie de Mahler. Véritable moment d’exception qui commence par une terrible et glaçante fanfare. D’emblée, le trompettiste de l’Orchestre National d’Île-de-France installe un climat dramatique et vibrant qui va irriguer toute l’œuvre. Case Scaglione conduit son imposante formation de tout son être, avec tout son corps. Véritable leader, encourageant ses musiciens d’un geste ample ou d’une imperceptible expression du visage, le corps perpétuellement en mouvement, le chef américain est le grand artisan de cette soirée au cours de laquelle s’érige, note après note, phrase après phrase, un monument impressionnant. De l’implacable marche funèbre au rondo final en forme d’apothéose, l’Orchestre National d’Île-de-France est un modèle d’équilibre, chaque pupitre servant au mieux l’œuvre, sans surjouer la virtuosité. Une soirée mémorable pour les festivaliers et pour l’ONDIF !
 

Le Dunedin Consort, dir. John Butt © Bertrand Pichène
 
Tragique de bout en bout

C’est dans la même abbatiale Saint-Robert que s’est jouée (dans tous les sens du terme) le lendemain soir la Passion selon saint-Jean de Jean-Sébastien Bach. Chaque chef a sa vision de ce drame en musique. Celle de l’Anglais John Butt est tragique de bout en bout. Le ténor Joshua Ellicott impressionne par sa capacité à tout chanter : les airs, les chœurs, les chorals et son rôle (vital pour l’œuvre) d’Evangéliste. Les larmes de Pierre après le reniement – très émouvant Bitterlich – et le récit de la flagellation sont d’un réalisme déchirant. Les autres solistes participent eux aussi à cette dramaturgie, en particulier la basse Matthew Broock, qui campe un Christ très humain. Le Dunedin Consort (orchestre et chœur) se distingue dans les imposants chœurs Herr, unser Herrscher et Ruhet wohl et dans les turba, ces courtes et exigeantes interventions qui ponctuent le récit. Les chorals sont chantés sans effet ni pathos, comme pourrait le faire une assemblée de fidèles. Au final, une passion d’une haute tenue.
 
Thierry Geffrotin

 
(1) Haendel : Coronation anthems - Le Concert Spirituel, dit Hervé Niquet - Alpha Classics ( Alpha 868)
 
 
Festival de musique de La Chaise-Dieu – 17, 18 et 19 août 2023
https://www.chaise-dieu.com
 
Photo © Vincent Jolfre
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