Journal

Fantasio au Festival de Radio-France et Montpellier – Un autre Offenbach – Compte rendu

Les curieux de raretés lyriques sont à leur affaire cette année à Montpellier. Entre trois représentations de Don Quichotte chez la Duchesse de Boismortier et la résurrection de La Jacquerie d’Edouard Lalo, le 30ème Festival de Radio France a en effet programmé l’opéra-comique Fantasio de Jacques Offenbach dans la version de la création parisienne (1872), reconstituée grâce au patient travail de Jean-Christophe Keck.
 
On ne se dirigeait certes pas totalement vers l’inconnu en prenant le chemin de l’Opéra Berlioz car un bel enregistrement de l’ouvrage a été réalisé il y a deux ans outre-Manche sous la direction de Sir Mark Elder (1), mais l’impatience n’en était pas moins vive de découvrir la distribution quasi intégralement française réunie pour ce que J.C. Keck définit très justement comme le « chaînon manquant » entre Les Fées du Rhin et Les Contes d’Hoffmann.
 
Version de concert sans les dialogues que celle proposée à Montpellier. Voilà qui prive certes de certains épisodes comiques, mais la solution adoptée (de brèves transitions assurées avec une efficacité discrète par la comédienne Julie Depardieu) fonctionne bien et n’entrave jamais l’écoulement d’une œuvre fluide et riche en rebondissements dans laquelle le jeu des déguisements joue un rôle clef.
Le livret tiré de la pièce d’Alfred de Musset a inspiré à Offenbach une musique d’un charme profond. On associe le plus souvent le compositeur à une irrésistible vigueur rythmique. Sans que cet aspect soit absent, loin de là, ce sont d’abord un lyrisme prégnant et une grande richesse du coloris qui font la singularité de Fantasio.
 

Marianne Crébassa © Marc Ginot
 
René Koering avait vu juste en 2008 en donnant sa chance à Marianne Crebassa dans le Manfred de Schumann à l’Opéra de Montpellier. Depuis, la mezzo s’est imposée parmi les plus remarquables artistes lyriques françaises de sa génération et le bonheur n’est pas mince de la retrouver dans le rôle créé en 1872 à l’Opéra-Comique par Célestine Galli Marié (qui allait passer à la postérité en incarnant Carmen trois ans plus tard). Le caractère fantasque de Fantasio lui convient idéalement. Sur un ton piquant comme dans le registre plus nostalgique d’un personnage prompt au spleen (merveilleuse Ballade à la lune), Crebassa met une voix souple et riche au service d’une approche aussi intelligente que sensible. Il en va de même chez Omo Bello : lumineuse et intensément vécue, son Elsbeth séduit et souligne la plénitude vocale à laquelle la jeune soprano est désormais parvenue.
 
Naturel, engagement, style : Jean-Sébastien Bou campe un Prince de Mantoue tout simplement idéeal, tandis que Loïc Félix signe un savoureux Marinoni. Une belle énergie collective porte une équipe où l’on remarque aussi Michal Partyka, interprète ardent bien qu’un peu tendu parfois de Sparck, Rémy Mathieu (Max), Enguerrand de Hys (Facio) et Jean-Gabriel Saint-Martin (Hartmann), sympathiques camarades de Fantasio ; des emplois modestes mais bien servis, tout comme avec Marie Lenormand, touchante dans le rôle du page Flamel, et Renaud Delaigue (Le Roi de Bavière).
 
Chœur de la Radio Lettone et Chœur de l’Opéra national de Montpellier font alliance pour les nombreux épisodes choraux de la partition, ajoutant au relief d’une interprétation qui doit beaucoup à Friedemann Layer. A l’évidence séduit par les beautés et les trouvailles parfois étonnantes de l’orchestre de Fantasio, l’ancien directeur musical de l’Opéra et de l’Orchestre national de Montpellier soigne le détail et raffine les timbres avec un naturel et un sens de la respiration qui contribuent à la franche réussite d’une soirée très applaudie
 
Alain Cochard
 
(1) Opera rara ORC51
 
Offenbach : Fantasio (version de concert) – Montpellier, Le Corum-Opéra Berlioz, 18 juillet 2015 (Diffusion sur France Musique, le 26 septembre 2015 à 19h)
 
Photo (de g. à dr : Omo Bello, Marianne Crebassa, Friedemann Layer)  © Marc Ginot

Partager par emailImprimer

Derniers articles