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Falstaff à l’Opéra de Marseille – Tendre poulet – Compte-rendu

A l’heure des transpositions hasardeuses et des relectures tape-à-l’œil, la proposition de Jean-Louis Grinda pouvait être accueillie avec crainte. Falstaff dans une basse-cour proche du Chantecler de Rostand… Falstaff vu comme un conte pour enfant... Falstaff en bande-dessinée… Voire...
 
Passées les premières scènes où la scénographie constituée de livres géants aux assez vilaines couvertures peine à recréer l’atmosphère à la fois ludique et onirique attendue, le spectacle trouve son rythme et sa singularité. Le décor en relief tout droit sorti d’un livre d’images offre un cadre idéal au rendez-vous donné par Alice à Falstaff, où bientôt chaque spécimen, qu’il soit volatile, félin ou canin, bénéficie d’une direction d’acteur fine et amusante. Nos souvenirs d’enfance sont à la fête tout au long de la scène de la forêt (Parc de Windsor), le pop-up faisant place à de très belles images animées, subtilement éclairées par Laurent Castaingt, qui apportent une dimension supplémentaire à ce moment magique.
 
Loin des vieux barbons à bedaine, le Falstaff interprété par le baryton Nicola Alaimo, qui succède à Bryn Terfel (Monaco 2010), est un modèle de subtilité, de dérision et d’imagination vocale et scénique, son personnage de coq hardi constamment nuancé, offrant des prolongements psychologiques insoupçonnés à ce personnage complexe. Bien campé sur ses ergots, le Ford pintadeau de Jean-François Lapointe, est également exemplaire de tenue vocale, de précision technique et d’inspiration, comme si masque, plumes et maquillage, tout ce qui compose le magnifique costume conçu par Jorge Jara Guarda, lui permettait de révéler des facettes jusque-là inconnues de sa personnalité. Excellent Docteur Caïus grimé en bouc de Carl Ghazarossian et chats de gouttière malicieux croqués par Rodolphe Briand (Bardolfo) et Patrick Bolleire (Pistola).
 
Les femelles ne sont pas en reste, pintades, dindes et canes menant une danse effrénée. Dans le rôle bien peu vocal d’Alice, Patrizia Ciofi fardée comme Cléopâtre (en italien pintade se dit faraona !) hier encore une délicieuse Nanetta (à la Bastille en 1999 et 2003 dans la mise en scène de Dominique Pitoiset) occupe le plateau avec le charme et l’espièglerie que nous lui connaissons, appariée à de truculentes consœurs, Annunziata Vestri et Nadine Weissmann, commères Meg et Quickly, sa fille Nanetta étant joliment incarnée par la pétillante Sabine Devieilhe, littéralement couvée par le canari encore vert composé par Enea Scala (Fenton).
 
Malgré les soins prodigués par Lawrence Foster à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille, pour accompagner chaque linéament de cette brillante partition, dont il allège sciemment le tissu orchestral et son souci du détail, tant sur la mise en place des ensembles, que sur la diction, d’une grande netteté, sa direction manque de peps - seul véritable bémol de cette production à la fantaisie communicative. 
 
François Lesueur
 
Verdi : Falstaff – Marseille, Opéra, 6 juin, prochaines représentations les 9, 11 et 14 juin 2015. opera.marseille.fr

Photo © Christian Dresse

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