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DOSSIER MUSIQUE A BORDEAUX - Fabien Robert, Maire adjoint à la culture de Bordeaux – Excellence et réalisme face aux enjeux du futur

Fabien Robert

La Culture a le visage de la jeunesse à la mairie de Bordeaux avec Fabien Robert (29 ans) qui, depuis les dernières élections municipales, est le maire adjoint en charge de ce domaine. Ce petit-fils de viticulteur, aujourd’hui chargé de cours en Sciences économiques et Sociales, est engagé en politique depuis l’âge de 16 ans. On l’a rencontré à son bureau de l’Hôtel de Ville pour une conversation sans protocole autour de la vie musicale bordelaise.
 
Tout commence par la base. Homme de terrain, Fabien Robert met d’abord l’accent sur le Conservatoire Jacques Thibaud, établissement qui, par-delà sa mission pédagogique, « organise 150 événements par an, les « Scènes publiques ». Ces sorties de travail des élèves drainent environ 20 000 personnes dans la Métropole et nourrissent la programmation musicale bordelaise en événements gratuits qui sensibilisent énormément les familles. »
 
Mais qui dit musique à Bordeaux songe forcément à l’Opéra national, une institution (en « régie personnalisée ») qui regroupe l’Opéra proprement dit, le Ballet et l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine. « Bordeaux est une ville qui, par la volonté d’Alain Juppé, porte son Opéra de façon exceptionnelle, souligne F. Robert. Il reçoit 16M.€ sur un budget de subvention à la culture de 24 M.€. » 
 
Le maire adjoint ne manque pas de saluer l’action et le bilan de Thierry Fouquet, directeur général de l’Opéra depuis 1996, qui « a réussi à plaire au public bordelais, amateur de grands classiques, tout en renouvelant le répertoire et en modernisant son approche. »
Quant à la construction de l’Auditorium (pour un budget global d’environ 20 M.€, financé essentiellement par la Ville et pour une faible part par la Région) elle constitue « un geste majeur qui a mis en lumière la qualité de la programmation musicale. »
Il n’en demeure pas moins que l’Opéra de Bordeaux est à un tournant, comme l’ensemble des institutions lyriques, en France et au-delà. «Des questions se posent sur le financement, constate le maire adjoint, mais aussi sur le rôle d’un Opéra national au XXIe siècle et sur la place de celui de Bordeaux dans la Métropole et dans la grande Région qui est en train de se créer. »
 
Métropole et Région constituent des paramètres essentiels pour le futur. «J’ai la conviction que l’Opéra devra muscler sa programmation dans la Métropole (27 communes entourent Bordeaux), affirme F. Robert. En tant que bâtiments le Grand Théâtre et l’Auditorium sont portés par la Métropole, même si la programmation demeure déterminée par la régie et financée par la Ville, la Région et l’Etat. Il est normal que l’offre aille dans les autres communes. » Tout comme se posera dans la nouvelle Région la question de place de l’Opéra national de Bordeaux, ce qui « nécessite de réfléchir à la répartition des forces artistiques dans l’intérêt de l’éco-système culturel.»
 
« Nous devons plus que jamais nous interroger sur la présence de l’Opéra « hors les murs », insiste F. Robert, placer nos forces artistiques dans la ville, les quartiers, la Métropole. Compte tenu du montant de la subvention allouée à l’Opéra, il faut être exemplaire, montrer ce que l’on fait, comme c’est le cas avec un cycle de concerts initié par le Chœur dans les quartiers. »
 
Fabien Robert demeure par ailleurs fermement attaché aux retransmissions dans la ville de certains spectacles et garde un souvenir ému de la Symphonie « Résurrection » sur grand écran place de la Victoire ou d’un Don Quichotte place de la Comédie.
Mais une fois ces actions menées pour toucher un nouveau public, il s’agit de le garder, de le fidéliser. A l’instar de l’ensemble des responsables de l’Opéra, le maire adjoint de réjouit du succès du « Pass Jeunes Auditorium ». Mais il insiste aussi sur l’importance des « dispositifs de médiation, d’accompagnement, dont la nouvelle direction de l’Opéra devra se soucier » pour aller plus loin dans la diversification des publics.
 
Le processus de nomination du successeur de T. Fouquet est amorcé. Il « devrait conduire à une nomination en septembre 2015 et, après une saison de « tuilage », à une prise de fonctions à la rentrée 2016. » Si l’adjoint à la culture « se garde bien de donner un avis sur le plan artistique », il souhaite en revanche « que le nouveau directeur général soumette un projet permettant de conserver le niveau d’excellence dans des conditions financières plus soutenables. »
 
Les contraintes budgétaires sont là : « entre 2011 et 2014, les crédits culturels de la Ville ont progressé de 27%, tandis que ceux de la région ont diminué de 19% et ceux du Département de 36 %, rappelle F. Robert, très critique envers l’ «abandon total de la part du Département ».
 
La Culture est un domaine préservé à Bordeaux où «75% des subventions culturelles sont stables. Il est vrai, reconnaît F. Robert, que nous avons demandé un effort à quelques structures, dont l’Opéra. Mais il s’agit d’une baisse de 6% de la subvention de la Ville et ça ne représente que 3,5 à 4% de son budget. Je n’en conteste pas le poids mais elle ne met rien en péril et le mode de répartition qui a été trouvé permet d’en amortir les effets. Nous avons souhaité ne pas attendre l’arrivée de la nouvelle direction pour enclencher la réflexion sur ces questions et prendre des décisions trop tardivement. »
 
Au centre de la vie musicale bordelaise, l’Opéra n’en résume toutefois pas la richesse. Fabien Robert ne manque pas de rappeler l’existence du Concours de Quatuors à cordes (l’ex Concours d’Evian), compétition triennale (prochaine édition en 2016), ni celle du Festival L’Esprit du Piano (né en 2010) qui, se félicite-t-il, « vient de lancer une programmation dans les quartiers permettant de sensibiliser à la musique et de drainer du public vers l’Auditorium.»
Le baroque ? « Nous avons une scène formidable à Bordeaux : Pygmalion bien sûr et, depuis très longtemps, Sagittarius (installé à Blaye), mais nous comptons aussi d’excellents très jeunes ensembles : Les Surprises, que la Ville aide financièrement pour la première fois cette année, ou l’Ensemble Baroque Atlantique. »
Pour bousculer les préjugés de ceux que voudrait imaginer Bordeaux sous un jour trop classique, le maire adjoint souligne par ailleurs la place de la musique contemporaine, avec Proxima Centauri, mais aussi de jeunes ensembles de musiques expérimentales tels que le collectif Einstein on the beach ou encore Monokini. Afin d’aider au fonctionnement et de renforcer l’audience de ces formations, la mairie envisage de les rassembler en un même lieu, dans les bâtiments de l’ancienne Ecole de Santé Navale, pour donner jour à un pôle contemporain-expérimental.
Quant à la création artistique, tous genres confondus, la Ville de Bordeaux lui consacre en Fonds d’aide : 150 000 € en 2013, 500 000 € en 2014, 650 000 € en 2015. « Un appel à projets a lieu tous les six mois et, note F. Robert, le secteur le plus structuré, qui présente les projets les plus clairs, les plus aboutis, c’est celui de la musique. »
 
Le dialogue et l’échange sont choses essentielles en matière culturelle. « Nous avons installé il y a peu le Conseil Culturel de Bordeaux, poursuit-il. Présidé par le maire, il comprend 45 membres (associations, institutions, chercheurs universitaires, lieux de diffusion, etc.). Lors de sa première réunion nous nous sommes rendus compte que des gens assez incontournables sur la scène culturelle ne se connaissaient pas, ou à peine. » Il suffit parfois de peu de choses pour en faire de grandes …
 
Alain Cochard
(Entretien avec Fabien Robert réalisé le 21 février 2015)

Photo © Thomas Sanson / Mairie de Bordeaux

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