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Exposition « Chaillot, une mémoire de la danse » à la BnF- Retour sur un siècle d’images- compte-rendu

 Depuis que l’ancien TNP a acquis en 2016  le statut de Théâtre National de la Danse , on redécouvre que cette appellation, non content de saluer l’activité de Didier Deschamps, son directeur,  qui en a fait une plate forme mondiale de la danse contemporaine, couronne aussi un siècle de moments chorégraphiques d’importance, qu’on avait passablement oubliés. C’est ce moment d’histoire de la danse dans un bâtiment hors normes que met en valeur l’exposition que lui consacre la BnF, sur le site François-Mitterrand, pour laquelle ont été rassemblés environ 200 documents, programmes et affiches, outre des éléments audiovisuels.

Clotilde Sakharoff, Photographie de Brassaï publiées dans le programme du Théâtre national du Palais de Chaillot, 19 mai1939. BnF - Arts du spectacle © RMN-Grand Palais / Brassaï

D’emblée, on est un peu déçu, car l’exposition n’a de prime abord aucun charme : déroulée dans une galerie publique, elle ne comporte aucun document original vrai, puisque elle se  présente comme une longue fresque, offerte à tous les doigts – juste des reproductions intégrées dans un bandeau qui semble presque publicitaire et que l’on aurait bien vu placardé sur le quai du métro Trocadéro ! Puis la grâce joue. Et l’intérêt vient. On en profite d’abord pour se rappeler que le bâtiment actuel, construit en 1937, s’est élevé sur un site depuis longtemps convoité par les puissants, puis mis en valeur pour l’Exposition universelle de 1878, qui vit naître le précédent Palais.
Orphée d’après Orphée et Eurydice de Gluck, danses et choeurs d’Isadora Duncan, Programme du palais du Trocadéro, 25, 27 et 29 mars1913
 © BnF - Arts du spectacle

Détruit en 1935, celui-ci renaît donc deux ans après, sous sa forme actuelle. Une fois rappelés ces éléments essentiels, apparaissent alors toutes sortes de silhouettes illustres et touchantes, car la danse y fait son entrée en 1920 : voici donc, en de nombreux documents qu’on connaît peu, Isadora Duncan et ses isadorables, captées aussi sur les marches du Parthénon, en pleine extase veggie, la splendide Clotilde Sakharoff, elle aussi revivant le rêve antique, et photographiée par Brassaï en 1939. L’exquise Anna Pavlova, post Ballets Russes, y distilla encore un peu de son inimitable séduction, la Argentina fit sensation ici même, tandis que Katerina Dunham apportait la sensualité langoureuse de la danse nord américaine. Puis vint Janine Solane, qui s’y implanta, et dont on voit des photos aussi touchantes que parfois un peu ridicules : une en Saint Sébastien notamment où, drapée dans une sorte de deux pièces assez hollywoodien, elle arbore des orteils aux ongles peints !  On se dit aussi que le mouvement manque, dans ces images figées qui accentuent pour certaines une esthétique obsolète.

Béjart à Chaillot ! Affiche du Théâtre national de Chaillot, 1997 BnF - Arts du spectacle © DR

Puis passent Lifar, Chauviré, Petit et enfin le roi Béjart, dont l’arrivée en 1961, amena le choc de son Sacre du Printemps. Sur les images qui suivent et montrent un peu de la saga du Ballet du XXe siècle, aucune faute de goût, tout est parfait, parlant, éternel, notamment les splendides attitudes de Paolo Bortoluzzi, qui n’eut pas la chance d’être immortalisé par Lelouch, comme Jorge Donn.
 
Ensuite la beauté cède le pas, la grâce se fait provocation, le mouvement philosophique, le message politique ou abstrait, le grotesque remplace l’harmonie : la danse contemporaine est arrivée, avec son cortège d’errances, parfois flamboyantes. L’abondance des spectacles présentés à Chaillot depuis de nombreuses années permet d’en afficher de nombreux aspects, mais on retient notamment la belle silhouette en 2013 de Rocio Molinas, quelques chocs néo-dada signés Decouflé, les visages inspirés de Françoise et Dominique Dupuy, discrets analystes du corps. L’image morte, ainsi offerte aux passants, finit par se charger d’émotion.
 
Jacqueline Thuilleux
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« Chaillot, une mémoire de la danse » - BnF François-Mitterrand – jusqu’au 26 août 2018 (entré libre) // www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/expositions/f.chaillot_memoire_danse.html 

Photo Y Olé ! (chor. José Montalvo) © Patrick Berger

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