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Eugène Onéguine à l’Opéra national du Rhin – Sans âme – Compte-rendu

Cet Eugène Onéguine de l’Opéra national du Rhin ne restera pas dans les mémoires ; la faute en incombe essentiellement à la vision du jeune metteur en scène Frederic Wake-Walker oublieuse de l’âme slave et dont l’univers se situe hors des modes et du temps. Le décor sombre de Jamie Vartan ne s’éclaire que lors du bal et les protagonistes du drame paraissent livrés à eux-mêmes. Si les idées abondent, elles ne sont jamais exploitées pleinement et manquent de fil conducteur. Que penser de cette discothèque dans laquelle Tatiana, dos tourné, se révèle indifférente au déroulement de l’action sans prendre part à la querelle entre Onéguine et Lenski ? Même le duel à la roulette russe perd de sa force d’impact. Comment interpréter la robotisation des personnages à la fin de l’opéra lorsque Tatiana, mariée au Prince Grémine, retrouve Onéguine ?
© Klara Beck
 
En revanche, la distribution vocale ne dénature jamais l’ouvrage. Ekaterina Morozova en Tatiana possède un joli timbre plutôt chaleureux et une présence juvénile qui se marie avec bonheur à l’Olga de Marina Viotti. L’Onéguine de Bogdan Baciu ne manque pas de lyrisme ; Liparit Avetisyan incarne un Lenski au chant subtil, tendre, presque belcantiste. Les deux mezzos tirent leur épingle du jeu : l’expérimentée Doris Lamprecht manifeste une forte présence en Madame Larina empathique et Margarita Nekrasova donne toute sa dimension au rôle de Filipievna. Le Prince Grémine de Mikhail Kazakov a la noblesse qui sied mais manque de couleur et de profondeur. En Monsieur Triquet, le feu-follet, Gilles Ragon entre tout à fait dans la peau du personnage.
 
Dans la fosse, Marko Letonja, comme à son habitude, fait preuve d’une technique impeccable sans réussir toutefois à susciter la tension que l’on attend. Ses tempos souvent lents font apprécier les pupitres de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg (les bois, les cordes graves …) mais ralentissent l’action. Largement mis à contribution, les Chœurs de l’Opéra national du Rhin préparés par Sandrine Abello et dirigés par Inna Petcheniouk, malgré quelques décalages sans doute liés à la Première, font preuve d’une belle vaillance.
 Une représentation où l’esprit de Pouchkine a disparu, heureusement sauvée par la qualité musicale d’ensemble. Une consolation qui ne nous réconcilie pas avec un spectacle sans âme.
 
Michel Le Naour
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Tchaïkovski : Eugène Onéguine - Strasbourg, Opéra, le 16 juin 2018 ; prochaines représentations à Strasbourg les 20, 22, 24 et juin ; à Mulhouse les 4 et 6 juillet 2018 // www.operanationaldurhin.eu/opera-2017-2018--eugene-oneguine-opera-national-du-rhin.html

Photo © Klara Beck

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