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Erismena de Cavalli à l’Opéra royal de Versailles - Caractérisation et animation - Compte-rendu
Repris de la production qui a vu le jour cet été au Festival d’Aix, Erismena fait escale sous les dorures de l’Opéra royal de Versailles. L’initiative revient, comme le précédent Elena qui avait triomphé à Aix en 2013 ou Eliogabalo à l’Opéra de Paris en 2016, à Leonardo García Alarcón qui s’est attaché à faire redécouvrir tout ce pan oublié du répertoire lyrique de Francesco Cavalli (1602-1676).
© Jean Bellorini
Le compositeur succède à Monteverdi, dans l’Histoire de l’opéra italien et dans les faveurs du public et des puissants de l’époque. C’est ainsi que ses succès et la réputation de ses vingt-sept opéras – tous conservés ! (1) – dépasseront son Italie natale pour se répandre à travers l’Europe. Et c’est avec son Ercole Amante que sera célébré le mariage de Louis XIV à Paris en 1660 (aux dépens de Celos aun del aire matan du compositeur espagnol Juan Hidalgo un temps pressenti et exact contemporain de Cavalli). Erismena, créé en 1655 à Venise, s’est maintenu durant vingt-sept ans à l’affiche, dans la péninsule mais aussi jusqu’en Angleterre (en 1673, pour constituer le tout premier opéra représenté dans le pays). D’où, aussi, de multiples versions de l’œuvre au gré des changements occasionnés au fil des reprises. García Alarcón et son équipe de musicologues se sont efforcés de revenir aux sources, rétablissant les passages coupés ultérieurement mais toutefois sans certaines parties perdues (comme le prologue). Tout en tâchant de retrouver l’instrumentarium et les tessitures vocales d’époque.
L’histoire se plante entre amours croisées et travestissements, entre seigneurs et sujets mèdes (peuple de l’ancienne Perse), arméniens et ibères de la plus haute Antiquité. Tout finira bien et le bain de sang annoncé, parmi recels et jalousies, sera évité. Une forme de convention, avec les inévitables « mon père ! », « ma fille ! », « mon frère ! » révélés sur la fin, mais qui échappent à la mythologie obligée pour verser dans une trame inventée. Cet imbroglio est porté par le style « recitar cantando » dont Cavalli s’est fait le champion dans l’héritage de Monteverdi. Le récitatif est donc omniprésent, mais varié pour soutenir les rebondissements multiples de l’action, sans aucun duo ou ensemble (hormis le chœur final), ponctué de ritournelles et lamentos qui soulagent l’écoute musicale.
© Jean Bellorini
La distribution vocale réunie (dix rôles tout aussi principaux !) y est parfaitement à son affaire, avec bagout, caractérisation et élans vocaux. Ainsi des quatre rôles-clefs, Erismena, l’héroïne tenaillée entre vengeance et désirs, Idraspe, son promis masqué, Aldimira la rivale, et Orimeno, autre prétendant troublé, qui reviennent aux impeccables Francesca Aspromonte, Carlo Vistoli, Susanna Hurrell et Jakub Jósef Orliński. Mais il y aurait aussi à citer Tai Oney Clerio, parmi ce festival de contre-ténors, ou la basse caractérisée Alexander Miminoshvili pour le roi Emirante par qui tout arrive, ou le ténor Stuart Jackson pour Alcesta, désopilante nourrice travestie.
Leonardo García Alarcón © CCR Ambronay - B. Pichène
Les dix instrumentistes de la Cappella Mediterranea en formation réduite distillent couleurs et saveurs, à découvert ou d’un bel ensemble, sous la battue emportée de García Alarcón. Et la mise en scène de Jean Bellorini n’est pas en reste d’animation, dans des tableaux perpétuellement agités autour d’un simple plateau de treillis métallique qui monte et descend, d’ampoules magnétiques et les jolis costumes d’un XVIIe siècle décalé conçus par Macha Makeïeff. Et l’alanguissement que l’on pouvait craindre se convertit en filage d’un trait pour une soirée musicale festive. Pari gagné !
Pierre-René Serna
(1) les partitions sont librement consultables sur le site : www.internetculturale.it
Cavalli : Erismena – Versailles, Opéra Royal, 2 décembre 2017
Photo © Jean Bellorini
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