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Épisode de la vie d’un artiste de Berlioz sous la direction de François-Xavier Roth à la Philharmonie de Paris - Retour aux sources et à la vie - Compte-rendu

Berlioz avait intitulé Épisode de la vie d’un artiste son diptyque regroupant la Symphonie fantastique et sa suite Lélio ou le Retour à la vie. Un intitulé de nos jours trop souvent passé aux pertes et profits (1). Comme ainsi ce concert en clôture du « Week-end Berlioz 2 » à la Philharmonie de Paris, placé sous le titre « Fantastique Lélio » (!), même si pour sa part le texte du programme de salle ne manque pas de faire allusion au titre institué.
 
François-Xavier Roth (photo) est à l’œuvre, qui poursuit son parcours Berlioz particulièrement florissant en cette année de commémorations (2), avec la rigueur scrupuleuse qu’on lui connaît. Les instruments d’époque de son orchestre Les Siècles sont donc au service de ce diptyque, avec une stylistique des plus appropriées. La Fantastique en ressort comme immaculée, dans ses timbres aiguisés et individualisés (y compris des cloches fondues tout spécialement et empruntées au Festival Berlioz), sous une direction méticuleuse de Roth fouillée du moindre détail. L’œuvre est restituée et respectée dans ses multiples précisions, ainsi que dans ses ultimes révisions dont les reprises dans « Rêveries - passions », « Un bal » et la « Marche au supplice ». Tout juste émettrions-nous une légère réserve pour le cor anglais, un peu trop concertant dans ses interventions de la « Scène aux champs » au rebours du caractère de mélopée pastorale naïve que stipulent les indications de partition.
 

Après l’entracte, place à Lélio, « monodrame lyrique » alternant un texte déclamé entre des passages musicaux, mélodies, chœurs et orchestre, le tout, texte de liaison et textes chantés, de la main même de Berlioz. Des jeux de lumières pourvoient judicieusement à l’absence de rideau de scène (d’une œuvre prévue pour un théâtre). Michel Fau incarne Lélio, le personnage récitant et double de Berlioz, avec une verve de circonstance, peut-être un trop appuyée et qui laisse peu transparaître les accents d’humour (comme ces « vulgaires oiseaux » qui pondent « un œuf d’or ») pourtant présents parmi les déclarations de manifeste artistique qui émaillent le propos. Le public ne ressent guère ces traits enjoués, et d’autant en l’absence de surtitres (au rebours des textes chantés) pour une voix nécessairement sonorisée dans la vaste Grande salle de la Philharmonie.
 
Sans sonorisation, cette fois, Michael Spyres délivre de son chant élégiaque ses deux mélodies, avec ce naturel et cet art passé maître des changements de registre en voix de poitrine et de tête (particulièrement dans les sautes de grave à aigu de la « Ballade du Pêcheur » où d’autres ténors ont achoppé). Florian Sempey épanche la vaillance gaillarde qui revient au Capitaine de la « Chanson de Brigands », soutenu d’un chœur, le National Youth Choir of Scotland, tempétueux à souhait. Ce même chœur s’acquitte éloquemment de ses interventions du « Chœur d’ombres » et de la « Fantaisie sur la Tempête ». Alors que l’orchestre répond d’un seul élan à travers cette vie, cette vivacité retrouvée que l’œuvre réclame. Nouvel accomplissement pour François-Xavier Roth, l’un de ces rares chefs actuels élus pour Berlioz (avec Gardiner, Norrington, Nelson et Gergiev), dont on attend avec impatience le prochain « Concert monstre » réunissant les effectifs tumultueux de la Symphonie funèbre et triomphale et autres cantates cérémonielles en cette même Philharmonie (le 24 juin).
 
Pierre-René Serna

(1) Voir à ce propos notre ouvrage Café Berlioz (bleu nuit éditeur), pages 91-93.
 
(2) Voir l’entretien avec François-Xavier Roth :
http://www.concertclassic.com/article/lannee-berlioz-selon-francois-xavier-roth-quel-moderne-et-quel-avant-gardiste-etait-berlioz
 
Paris, Grande salle de la Philharmonie de Paris, 26 mai 2019.

Photo © DR

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