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Emmanuel Krivine et la Chambre Philharmonique - Le principe de plaisir - Compte-rendu

Le cycle « Hommages » proposé par la Cité de la Musique porte un regard sur l’influence réciproque des musiciens au-delà des clivages des modes et des siècles. Dans un programme Debussy, Ravel et Stravinski, Emmanuel Krivine (photo) retrouvait avec sa Chambre Philharmonique l’esprit de la musique d’une époque contemplant le passé avec les yeux du présent et de l’avenir.

Dès la Petite Suite de Debussy (1888), orchestrée par Henri Büsser en 1917, le charme opère ; aux bois et vents fruités répondent des cordes souples et subtiles. Le Concerto pour piano en sol de Maurice Ravel, interprété par Bertrand Chamayou, est un vrai feu d’artifice. Le soliste maîtrise avec brio un bel Erard des années 20 aux timbres tout autant mordorés qu’incisifs. L’Adagio assai central devient un moment de poésie d’un classicisme apollinien. D’une fine tendresse, le bis (La Fille aux cheveux de lin de Debussy) n’est pas en reste sur ce point.

Ma mère l’Oye de Ravel souligne la luxuriance d’une formation mise à nu où chaque instrumentiste déploie une science de toute beauté jusqu’au climax du Jardin féérique. La suite de Pulcinella de Stravinsky, par sa vivacité et son entrain offre un terrain d’élection à Krivine, ravi à son tour de pouvoir mettre des moustaches à la Joconde. Virevoltant, ironique, nerveux, impulsif, il porte la Chambre Philharmonique à son acmé (brillantissimes interventions du trompettiste David Guerrier !), répondant avec un plaisir évident aux pieds de nez lancés par le compositeur à partir de prétendus extraits de Pergolèse.

Emmanuel Krivine n’est jamais aussi jubilatoire que quand il donne des coups de pied dans la fourmilière. Avec son orchestre sur instruments d’époque, il remet bien des pendules à l’heure et contraint l’auditeur à écouter autrement. En guise de remerciement, l’entêtant Lullaby de Gershwin (1919) aux parfums indolents et suaves clôt avec bonheur un concert riche en multiples saveurs.

Michel Le Naour

Paris, Cité de la Musique, 24 octobre 2012

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Photo : DR
 

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