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Emmanuel Arakélian et le Duo XAMP à Radio France – Orgue et accordéons microtoniques – Compte-rendu
Bach au naturel engage chaque fois l'interprète, sur le Grenzing et dans son acoustique, vers un processus de recréation. Densité et équilibre, clarté et poésie du chant étaient au rendez-vous pour la Toccata, adagio et fugue en ut majeur BWV 564, d'une vive prestance et d'une rigueur de l'articulation des plus éclatantes dans la fugue : Emmanuel Arakélian y fit montre d'une maîtrise de l'écriture idéalement mise en œuvre par la restitution instrumentale, ultra-cohérente mais libre, dansante et d'une flamme communicative. Anticipant la création, une œuvre d'Édith Canat de Chizy fut ajoutée : Vega (1999), d'après un poème de Philippe Jaccottet, composée pour l'orgue classique français de la cathédrale d'Auch restitué par Jean-François Muno, enregistrée sur l'instrument par son titulaire, Jean-Christophe Revel (Aeon, AECD 0420, 2004). À Radio France, elle fut confiée au scintillement stellaire des accordéons microtonals (1) du Duo XAMP : Fanny Vicens et Jean-Étienne Sotty. Suspension du temps entre celui de Bach, suprêmement architecturé, et celui de Robert Schumann, en l'occurrence « formel » mais sous-tendu d'une souplesse toute romantique : Six Études en forme de canon op. 56. Emmanuel Arakélian fit le choix de registrations déployant un éventail varié des fonds, délicatement colorés mais toujours de manière à évoquer la sonorité « unique » du piano-pédalier auquel Schumann s'adresse. Du grand art, des doigts manifestement aussi à l'aise sur l'un ou l'autre clavier et préservant la dimension poétique de cette musique.
Le Duo XAMP © Adrien Trybucki
Le début de la seconde partie fut, à sa manière, un moment de bravoure. Emmanuel Arakélian transcripteur, suivant l'exemple de Bach dans les Chorals Schübler et d'interprètes de renom, dont André Isoir, offrit quatre pages issues de Cantates, airs ou moment purement orchestral pour la première d'entre elles, de très grand format, œuvre de concert plus qu'imposante : Sinfonia de la Cantate BWV 169, monument d'endurance sonnant de splendide manière. Les trois pages suivantes (détails dans le programme de salle) tempérèrent la tension sans diminuer en aucune façon la performance instrumentale, entièrement soumise à l'expression musicale.
Instrument contemporain par excellence, le Grenzing ne pouvait que dialoguer avec bonheur, pour la création (2) d'Édith Canat de Chizy, avec le Duo XAMP : « […] essentiellement une étude sur le son, d’où son titre Suono (le son en italien). Quatre séquences évoquent quatre paramètres du son : l’espace, le temps, le timbre, la vibration. » Une autre approche, donc, du son, du rythme, de la gestion du temps, toujours avec une dimension onirique, en rupture avec ce qui précédait et suivait : Toccata pour piano de Schumann, redoutablement ostinato, dans la transcription de Reitze Smits. Une gageure, assurément, sans que l'on puisse affirmer que l'œuvre respire pleinement à l'orgue. Mais pour le public d'un tel concert, une belle et stimulante aventure.
Michel Roubinet
www.maisondelaradioetdelamusique.fr/evenement/concert-dorgue/bach-toccatas-et-arias
Site Internet
Emmanuel Arakélian :
emmanuelarakelian.wordpress.com
(1) L'accordéon microtonal, par Jean-Étienne Sotty et Fanny Vicens : larevue.conservatoiredeparis.fr/index.php?id=1618#tocto2n5
Le carnet de lecture de Fanny Vicens, accordéoniste microtonal, Duo XAMP :
singulars.fr/le-carnet-de-lecture-de-fanny-vicens-accordeoniste-microtonal-duo-xamp/
(2) Entre-temps, compte tenu du report du concert, Suono a déjà été enregistré par le Duo XAMP et Karol Mossakowski, pour le label Signature de Radio France (dist. Outhere), dans un album de même intitulé à paraître le 12 mai.
Photo © Fabienne Ulmer
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